Chapitre XI - De l'effet moral de la Constitution Françoise


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CHAPITRE XI.

De l’effet moral de la Constitution Françoise.




C’EST un des labyrinthes de la pensée, que la science de la Législation politique ; & cependant l'étude de l'homme moral en est un plus grand encore; on la croit facile, parce que, l'observateur & l'objet de son attention, le spectateur & le spectacle, semblent se toucher & se confondre ; mais elle est soumise à des règles d'optique dont peu de nous ont le secret. On s'approche du bonheur par tant de points, on s'en éloigne par tant d'autres, qu'au milieu d'une pareille complication, le philosophe le plus attentif, a de la peine à fixer son jugement.

Comment espérer néanmoins de connoître l'effet moral d'une Constitution civile & politique, si l'on n'a pas médité long-temps sur la [p.174] nature de l'homme, si l'on ignore les besoins de son ame & les penchans secrets de son cœur, si l'on n'est pas en rapport avec lui, & par quelques vertus, & par quelques foiblesses; enfin, si nous avons constamment joui de nous-mêmes avec distraction, & si nous avons toujours vécu, pour ainsi dire, en dehors de nos réflexions ?

Cependant, si la connoissance des hommes étoit essentiellement nécessaire au Législateur, on seroit conduit à penser, qu'un systême politique, parfaitement ordonné, ne seroit jamais l'ouvrage d'une Assemblée nombreuse ; car les idées fines & toutes les observations délicates, dont la science du cœur humain est composée, ne peuvent pas être mises en communauté ; ce sont des spiritualités trop déliées pour supporter le choc des discussions, ou pour leur servir de point de réunion. Les hommes médiocres rabaissent dans les grandes Assemblées, tous les raisonnemens à la hauteur de leur esprit, comme les sourds donnent le ton, partout [p.175] où l'on veut être entendu d'eux. Ne soyons donc pas surpris, si les Chefs de l'Assemblée Nationale, avec le dessein de la conduire à leur volonté, n'ont mis en avant que deux principes très distincts & très prononcés, la liberté & l'égalité. Ils y étoient peut-être forcés, pour tenir, sous un même joug, une grande diversité d'esprits & de caractères ; mais l'Assemblée Nationale n'est pas moins répréhensible de s'être soumise à de telles lois ; elle n'est pas moins répréhensible d'avoir ainsi resserré nos intérêts, & d'avoir négligé tous nos autres vœux. L'étude de nos divers sentimens eut pu l'embarrasser, elle les a circonscrits par une fiction ; l'étude des divers élémens, dont notre bonheur se compose, auroit pu multiplier ses combinaisons, elle les a réduits par supposition ; & n'en reconnoissant que deux, elle a mis les autres à l'écart. Ainsi, tout ce qu'étoit l'homme, tout ce qu'il exigeoit, sous une infinité de rapports, ou elle n'a pas su le voir, ou elle n'en a pas tenu [p.176] compte. On eût dit, qu'en imitation du lit de fer imaginé par Procuste, elle vouloit, avec une invention de ce genre, proportionner à son étroit systême, notre stature morale, & retrancher ainsi de nous, tout ce que nous étions, & par nos habitudes, & par notre caractère, & par les facultés diverses de notre esprit, & par notre imagination, & par nos espérances, & par nos vieilles idées d'honneur & de gloire, & surtout par nos principes d'éducation, nos devoirs & nos opinions religieuses. La liberté, l'égalité, devenoient donc notre unique fortune ; &, par une singulière combinaison, c'étoit d'un sommaire philosophique que devoit dépendre notre destinée.

Il y a quelque chose d'étrange, dans cette manière de cerner & nos vœux & nos intérêts ; & une telle circonscription, annonce bien autant les limites de la vue de nos Législateurs, que les bornes réelles de notre domaine moral. Rendons à ce domaine toute son étendue, & considérant l'homme dans une [p.177] plus grande circonférence, que ne l'ont fait nos Législateurs, examinons, sous ce point de vue, l'utilité de leur ouvrage & la sagesse de leurs principes.

L'homme est heureux, sans doute, par la liberté civile & politique ; mais, comme il est borné dans ses facultés; comme il marche sur une terre où les biens & les maux sont sémés çà & là ; comme il n'a pas été placé dans un jardin enchanté, où l'on peut, sans effort, sans travail, sans le secours des autres, cueillir, à sa volonté, ou des fruits nourrissans, ou des fleurs odoriférantes, la liberté, pour être un bien, a besoin d'être environnée de toutes les vertus qui fervent de guide & d'assistance aux hommes, dans les pénibles sentiers de la vie.

Rempli de ces pensées, si je parcours les discours & les Décrets de nos Législateurs, je les vois occupés sans cesse, de rappeler aux hommes leurs droits, & ne les entretenir qu'avec mollesse, de leurs obligations & de leurs devoirs. C'est procéder en sens [p.178] contraire d'une morale à jamais renommée, qui, par son double caractère de sagesse & de sainteté, conserve depuis tant de siècles, un ascendant mémorable sur tous les Peuples de l'Europe. L'auteur de cette belle Législation avoit apperçu, que les hommes étant appelés à se multiplier sur une terre, dont les productions sont limitées, le sacrifice d'une portion de nos desirs, nous étoit imposé par une des lois immuables de la nature ; & qu'ainsi, la plus haute philosophie seroit un enseignement, qui parviendroit non-seulement à adoucir ce sacrifice, mais à y attacher encore un bonheur, par l'idée du devoir & par tous les encouragemens qui l'accompagnent dans un beau systême moral.

C'est à cette idée de devoir, qu'il faut rendre un culte continuel; & quand on la dédaigne, quand on ne réveille l'attention des hommes que sur leurs droits, on les berce d'illusions & d'illusions dangereuses; car, lorsque la multitude est entraînée hors de ses lignes, elle rencontre bientôt, dans [p.179] sa marche inconsidérée, les nombreuses barrières dont notre bonheur sur la terre est de partout environné.

On se trompe donc, lorsqu'on se représente les devoirs comme uniquement utiles à ceux qui ont des droits. Cette proposition du moins, ne peut jamais s'appliquer à l'organisation sociale, considérée dans toute son étendue ; car on ne tarde pas à découvrir que les devoirs & la morale qui les prescrit, servent de consolations au grand nombre des hommes, en les aidant à vivre en paix, dans l'espace que le sort leur assigne ; & lorsqu'on les en fait sortir, en leur parlant vaguement de leurs droits, on bouleverse leurs opinions, sans améliorer leur destinée. Mais, il est bien ailé d'affoiblir leur croyance à ces vérités ; & quand le Législateur lui-même se les dissimule, quand il entre dans sa politique, de favoriser & d'entretenir des illusions, c'est à l'empire du mensonge que le monde se trouve livré.

Cependant, ce n'est pas uniquement au [p.180] bonheur des hommes, qu'on a porte une atteinte sensible, en les entretenant toujours de leurs droits, & si peu de leurs devoirs; c'est encore au respect pour la justice, qu'on a nui d'une manière essentielle; car, lorsque les Législateurs répandent un esprit général de prétention, parmi ceux qui ont plus de forces que de lumières, les limites qui séparent le juste de l'injuste, sont aisément méconnues ; & ces limites, une fois franchies par quelques-uns, le sont bientôt par d'autres, tant l'imitation a de puissance, & tant elle doit en avoir, au milieu d'un Peuple nombreux. La justice, d'ailleurs, commence à s'altérer jusques dans son principe, quand elle n'est pas observée d'un commun accord ; car elle a pour base essentielle, une convention générale ; & c'est à la faveur seulement d'une telle convention, que chacun croit retrouver, dans l'ordre universel, la compensation de ses sacrifices particuliers.

Ce fut l'œuvre du temps & la tâche des siècles, que l'établissement des diverses [p.181] barrières, destinées à contenir toutes les passions hostiles ; mais leur destruction peut être le résultat, non pas seulement d'une Constitution politique mal combinée, non pas seulement d'une loi faite inconsidérément, mais encore d'une fausse maxime, lorsque les Chefs de la Nation y donnent un grand éclat ; & tel a été le malheureux effet du premier principe de la Déclaration des Droits.

La justice doit être le plus pressant intérêt de tous les Gouvernemens, mais il faut la soigner, la protéger davantage, il faut, pour ainsi dire, doubler la garde autour d'elle, lorsque les Législateurs ont mis entre les mains du Peuple l'autorité civile & politique ; car ainsi déposée, elle doit mettre en fermentation tous les sentimens d'envie & de jalousie, & tous les dépits, toutes les rancunes, qui sont inséparables de la mauvaise fortune ; & bien loin que cette autorité puisse jamais servir de consolation à ceux qui ont à se plaindre de leur partage, elle [p.182] ne sert qu'à briser & agiter leurs ames; ils croyent qu'un Pouvoir nouveau doit améliorer leur situation, & trompés dans leurs premières espérances, ils courent après d'autres illusions ; & les événemens, les changemens de scène, deviennent pour eux un jeu nécessaire. Ils pensent aux moyens d'acquérir du crédit, ils pensent à ce qu'ils pourront en faire ; & distraits par des idées qui varient sans cesse, leurs regards dispersés ne se reportent plus qu'avec langueur sur leurs occupations habituelles. Alors, on voit disparoître ou s'affoiblir, ces vertus paisibles, ces vertus domestiques, compagnes du travail & d'un intérêt fixe. Une ambition confuse, une inquiétude incertaine, viennent prendre leur place ; personne ne gagne en bonheur, tout le monde perd en morale, & l'État ne retire de la multitude innombrable des autorités, qu'une multitude innombrable de résistances.

Un autre effet immoral d'une Constitution, qui place un trop grand Pouvoir entre [p.183] les mains du Peuple, c'est qu'elle affoiblit le majestueux empire de la sagesse & de la raison, & prépare le triomphe des hommes artificieux & des hypocrites. On ne peut gagner la multitude, que par des moyens proportionnés à sa masse & à son étendue ; & pour captiver son opinion, pour entraîner son suffrage chez une Nation nombreuse, il faut se faire des passions qu'on n'a pas, il faut les exagérer jusques au degré nécessaire, pour frapper les hommes à toutes les distances ; & l'on est comme forcé d'imiter ces histrions, qui, en jouant la comédie dans le vaste cirque de Rome, montoient sur des échasses, & empruntoient un costume gigantesque.

L'Assemblée Nationale elle-même, a ressenti ce besoin, & tremblante bientôt devant l'autorité qu'elle avoit créée, elle a eu recours, pour charmer & pour gagner son nouveau maître, à des sentimens factices, à des démarches de parade, à des discours apprêtés, & se gonflant de toutes les manières, [p.184] chacun, pour l'imiter, a quitté le langage de la nature & les expressions de la vérité; chacun a pris son rôle & fait choix de son masque; & sous ces divers déguisemens, on n'a plus reconnu personne. On étoit auprès des Rois, des Courtisans à voix baffe ; c'est presqu'à son de trompe que l'on flatte le Peuple, voilà toute la différence.

Hélas ! je le crains bien, cette noble simplicité, le caractère distinct des grandes ames, est à jamais perdue ; on est attiré hors de foi, par une force trop grande, & l'équilibre nécessaire pour le maintien des véritables vertus & des vertus modestes, est entièrement détruit. C'est l'ouvrage d'une Constitution, qui, en renversant toutes les hiérarchies, & en soumettant le Gouvernement à la domination du Peuple, & la délibération des sages à l'action impétueuse de la multitude, a confondu les Pouvoirs qu'elle se proposoit de diviser.

Combien d'autres vertus cependant, combien d'autres ornemens de la nature humaine, [p.185] ont encore été sacrifiés a ce nouvel ordre politique! Je regrète surtout ces sentimens généreux, qui sembloient être l'apanage de la Nation Françoise, ces sentimens qui donnoient tant d'amis aux opprimés & qui faisoient du malheur un objet de culte ; mais comment auroit-on pu les conserver, quand on est continuellement obligé de fléchir devant la force & de respecter la violence; & lorsque, pour se déguiser à soi-même ce genre de soumission, on excuse les persécuteurs & l'on cherche des torts aux victimes ; lorsqu'on applaudit, aux vengeances qu'on ne peut arrêter & aux incendies qu'on ne peut éteindre ; lorsqu'on prend ainsi les couleurs du tyran, afin de laisser en doute, si ce n'est pas lui qui porte les nôtres ? Mélange honteux de foiblesse & de servitude, auquel on a réduit son ame, au lieu de l'avoir tenue indépendante & fière, sous la tranquille sauve-garde d'une Constitution mieux entendue & d'un Gouvernement mieux réglé. On parle de liberté, [p.186] quand on a mis en esclavage la plus belle partie de soi-même, celle qui nous approche davantage de la Divinité, celle qui nous rend généreux & compatissans, celle qui donne à l'homme sensible, la plus douce des satisfactions dont il puisse jouir sur la terre. Allez, avec vos adulations populaires, allez plier les genoux devant ceux qui dédaigneront bientôt vos baffes caresses, allez obéir aveuglément aux caprices de la multitude. Vous nous direz si son joug est commode & son empire léger ; vous nous direz surtout, si vous avez été libres, en lui donnant un Gouvernement qui ne la gouverne point ; si vous avez été libres, en éteignant pour lui plaire, les signaux allumés par la sagesse & par la science ; si vous avez été libres, en renonçant si souvent à vos sentimens intimes, & en formant le projet téméraire, de soumettre, & la génération présente, & les temps à venir, à des lois dictées par les passions du moment & par des volontés éphémères.

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Qu'on y prenne garde encore, l'inhabile distribution des Pouvoirs, suffit pour changer entièrement les mœurs publiques ; car, lorsqu'on donne au Peuple le sentiment de sa force, sans pouvoir le douer, en même temps, des lumières qui le disposent à la tempérance, ce sentiment dégénère aisément en férocité. Aucun temps de l'histoire, ne nous offre l'exemple d'une population de vingt-six millions d'hommes, réunie en République, & réunie ainsi, sans qu'aucune partie de cette immense population soit placée, comme autrefois, en dehors du mouvement politique, par les lois de l'esclavage. Rome même, à l'époque tardive, où les Peuples de l'Italie furent admis aux droits de Cité, ne présenta jamais rien de semblable ; puisque toutes les professions méchaniques, n'étoient jamais exercées, par les Citoyens libres. C'est donc un véritable phénomène dans les Annales du monde, que le degré d'influence politique, attribué au Peuple, dans un pays tel que la France ; [p.188] & quand toutes les Nations se réunissent aujourd'hui, pour reprocher à ce peuple, les excès & les barbaries dont il s'est rendu coupable depuis la révolution ; je voudrois, pour adoucir ses torts, demander aux hommes capables de réflexion, ce que seroient, peut-être, toutes les sociétés, formées d'une immense population, si, par rétablissement d'une Constitution politique inconsidérée, l'on y affoiblissoit tout-à-coup, & l'autorité des sages, & le crédit du Gouvernement; si l'on exaltoit, dans le même temps, l'imagination de la multitude, & par des maximes philosophiques sur l'égalité, & par des attributions politiques de tous les genres; & si on la réveilloit ainsi, sur la grandeur de sa puissance phisique, sans diminuer ses besoins & sans améliorer son éducation. Les hommes, à ces conditions, auroient entr'eux beaucoup de ressemblance. Il y a seulement un danger de plus aux grands changemens politiques, lorsqu'ils sont introduits au milieu d'une Nation, dont le caractère incompatible [p.189] avec les transitions lentes, ne peut jamais contrebalancer, par sa retenue, les méprises des Législateurs.

On ne sauroit trop le dire & trop le répéter. Lorsque, dans un pays infiniment peuplé, l'on ne peut pas, comme les Gouvernemens anciens, mettre en dehors de l'ordre social, toute la portion industrieuse du Peuple ; lorsqu'on ne peut pas empêcher que la multitude ne soit réduite à vivre de son travail, lorsque cette même circonstance, inhérente aux lois de propriété, met un obstacle absolu au partage des lumières, & lorsqu'on ne peut empêcher, par conséquent, que la classe nombreuse d'une Nation, n'aie toute l'ignorance & la rudesse, qui sont une suite nécessaire du défaut d'éducation, il est contraire aux mœurs, il est anti-philosophique, d'affoiblir, en tous les sens, le Gouvernement, & de donner au Peuple une influence, qui réunifie en lui les forces morales aux forces matérielles. Il ne voudroit pas lui-même d'un tel abandon, il [p.190] l'arrêteroit, il le modéreroit, du moins, s'il pouvoit être un Juge éclairé de son bonheur. Et nous, plus instruits que lui, mais las des vieux préceptes de la raison & sous le charme de la fausse gloire, nous avons préféré l'honneur ou le bruit d'un système exagéré, à cette sagesse, qui, en assurant également la liberté, eût maintenu l'ordre public & toutes les vertus qui en sont une dépendance.

Il restoit encore pour égide à la douceur des mœurs de la Nation Françoise, cette Législation des égards & des manières, qui n'étoit point écrite sur des tables de bronze ou d'airain, mais qui, par la seule force de l'opinion, rappeloit les hommes aux sentimens dont ils étoient contraints d'emprunter les formes. La politesse & les manières, en acquérant, comme toutes nos idées, une sorte de rafinement, par l'effet du temps, sont devenues, dans leur perfection, l'apanage particulier des hommes bien nés. Il n'en a pas fallu davantage, pour rendre ces sentimens suspects ; on a cru qu'ils tenoient, par quelque [p.191] point, à la gradation des rangs, & l'on s'est hâté de les comprendre dans la proscription générale, exercée contre toute espèce d'Aristocratie. On n'a pas vu, qu'ils remontoient à des principes absolument différens ; on n'a pas vu qu'ils tenoient, par leur origine, a des idées d'égalité; on n'a pas vu, qu'imaginés pour défendre la foiblesse contre la force, c'étoit aux idées les plus généreuses qu'ils se trouvoient affiliés. On s'en servit d'abord pour environner les vieillards d'une enceinte, propre à les garantir des insultes d'une jeunesse, imprudente au moment où son règne commence ; on donna ces mêmes sentimens pour sauve-garde au sexe foible & timide, que les lois de la nature avoient soumis à notre orgueilleux empire; enfin, les mêmes sentimens furent encore destinés à soutenir la puissance de l'imagination, & à maintenir ainsi l'autorité des Chefs des Nations, contre la force du nombre & contre les excès déréglés de la multitude.

La Législation des égards réunit donc [p.192] tous les caractères d'une profonde sagesse; mais notre philosophie superficielle, l'a considérée comme un Code d'esclavage. Nos Législateurs se sont affranchis les premiers de ces prétendus liens ; & leurs principes même se sont ressentis du mépris qu'ils ont affecté pour toutes les formes. Ils se sont insensiblement habitués à un esprit d'irrévérence, qui leur a fait perdre de vue ce qu'ils dévoient au Chef de la Monarchie, & qui les a forces à soutenir leur propre dignité, par des actes fréquens de puissance. Ils ont peut-être voulu nous prouver, & par leurs rudes manières, & par leur langage un peu faro¬che, & par leur costume négligé, qu'eux, en nous donnant des lois, n'alloient ni ne venoient chez la Nymphe Egerie, & qu'ils ne dévoient leur génie à aucune inspiration ; mais sur aucun indice, on n'eût pu les en accuser.

C'est en s'occupant, toutefois, d'établir l'égalité jusques dans les superficies, qu'on a élevé la plus grande & la plus choquante des [p.193] des suprématies, celle de la hardiesse & de l'insolence. On a voulu tout niveler, & l'on a soumis avec un sceptre de fer, les esprits doux, aux génies audacieux, les esprits sages, aux caractères emportés, & l'on a fait de la bonté, le jouet des ames féroces. Enfin, en supprimant toutes les idées de décence, en remplissant tous les intervalles, & en opérant toujours à la baisse, pour rapprocher jusques dans les manières, les hommes immuablement distincts, & par la fortune, & par l'éducation, il ne résultera, je le crains, d'un pareil systême de familiarité, qu'une commodité de plus pour se haïr. La nature, dans son magnifique spectacle, nous apprenoit de toutes parts, qu'il ne pouvoit exister aucune harmonie sans nuances & sans gradations. Le monde moral, par des disparités choquantes, s'étoit trop écarté de ce modèle ; on veut aujourd'hui, par un autre extrême, le convertir dans une vaste plaine, où chacun, pêle-mêle, s'offensera, se [p.194] coudoyera, & où les plus rustres & les plus vigoureux seront seuls à leur aise.

On n'a voulu d'aucune des opinions anciennes ; & dans la passion qu'on a montrée pour un renouvellement général, si l'on n'a pas osé changer formellement les principes de morale, on les a du moins fort altérés ; on a fait de la délation, un sujet d'honneur, de la calomnie, un dévouement patriotique, & de l'ingratitude envers les vivans, un sommaire de philosophie ; on a traité la pitié, de foiblesse, la clémence, d'insulte à la loi, & la voix de la conscience, de jargon & de caquetage. Le desir de paroître & l'amour de la gloire, ont sauve du nauffrage le petit nombre de vertus, auxquelles on pouvoit donner une forme gigantesque, & toutes celles aussi qu'on pouvoit imposer aux autres ; ainsi, l'on a parlé des sacrifices qu'exigeoit la Patrie, à tous ceux que l'on privoit de leurs droits ou de leurs propriétés, & l'on a donné Brutus en exemple au Roi, lorsque, sous ses yeux, & sans pitié pour son [p.195] cœur déchiré, l'on a décrété d'accusation ses deux frères. François, qui ne voulez plus l'être! Romains ressuscités, que vous êtes encore pâles ! Ah ! c'étoit assez de votre ancien renom, si vous aviez bien voulu cultiver les qualités naturelles de votre Nation, au lieu de vous appliquer, sans relâche, à leur métamorphose ; si vous aviez bien voulu les embellir ou les perfectionner, par l'heureuse influence d'une liberté sage, au lieu de leur donner, par l'indépendance, un caractère âpre & sauvage ; si vous aviez bien voulu vous souvenir, qu'on ne peut pas, en traversant vingt siècles, transporter dans une année une Nation moderne, au milieu de l'ancienne Rome, & que tout le monde se blesse ou s'estropie, dans une course si rapide. D'ailleurs, arrivés là, que serions-nous, avec nos mœurs corrompues, avec notre luxe, nos richesses, notre misère, nos inégalités de fortune, avec nos vanités, nos prétentions & notre philosophie rafinée ? Chaque Peuple a des vertus qui lui sont [p.196] propres, des vertus qui s'accordent à sa situation, des vertus qui appartiennent à l'époque de l'histoire, où il se trouve placé ; ce sont les seules qu'on puisse lui donner; ce sont les seules qu'il soit en état de garder ; & l'on commet un véritable anacronisme, lorsqu'on veut adapter des lois & des principes simples, à une Nation dès long-temps composée.

Quel spectacle magnifique n'eût pas présenté la France, si ses habitans, déjà distingués en Europe, par leur esprit, leurs talens, leur industrie, leur gloire dans les lettres, leur sociabilité, leur courage & leur ardeur militaire, eussent joint à tant de qualités prédominantes, cette force & cette stabilité de principes, que donne un Gouvernement libre, cette généralité de connoissances, qui est le résultat nécessaire de la participation d'un Peuple, à la confection de ses lois, & cette élévation de pensées, cette majesté de caractère, qui se forment & s'entretiennent au milieu des grands intérêts ! On donnoit à ce tableau de la réalité, en [p.197] réunissant dans sa pensée, aux qualités brillantes de la Nation Françoise, ce qu'il y avoit de plus précieux dans le génie libre des Anglois ; & l'imagination ne pouvoit aller au-delà sans s'égarer. C'eût été, sans doute, une belle association, que le mélange de l'esprit social & du caractère moral & politique de deux Peuples, qui chacun, par des routes différentes, avoient su marcher à la célébrité & à la gloire. Hélas ! c'étoit ma douce rêverie, c'étoit ma secrète espérance, & j'ai vu s'évanouir ces brillantes lueurs, j'ai vu se dissiper ces images chéries. On n'a pas voulu d'une perfection, on n'a pas voulu d'un bonheur dont on pouvoit s'occuper sans chimère ; & par des idées imprudentes, on a mis en confusion tous les sentimens & tous les principes; on a voulu d'une liberté sans modèle, & l'on a produit un désordre sans exemple; on a composé un systême de Gouvernement, où tout est en exagération, & l'on n'a pu s'y proportionner que par de l'emphase ; on a [p.198] fait venir des vertus, & de Sparte & de Rome, on les a toutes essayées en paroles, mais aucune ne pouvoit aller, ni aux hommes, ni aux choses. Enfin, après avoir fait une Constitution philosophique, qui, dans ses vastes abstractions, dépassant toutes les réalités, n'avoit pu rencontrer aucun obstacle, l'on a commandé à la nature des choses de s'y prêter, aux mœurs de s'y conformer, à l'opinion de s'y soumettre, à la raison de s'y rendre, & les auteurs, comme tous les Chefs de Secte, ont mesuré les mérites & les torts, les vertus & les crimes, sur l'opinion qu'on avoit de leur doctrine ; & bien avant leurs Zéïdes, les Mahomets avoient dit : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution.

On a proscrit de plus, sous le nom de préjugés, toutes les idées qui menaçoient de faire résistance à quelque partie de l'innovation universelle ; &, d'abord on s'est mocqué de l'honneur, on l'a traité comme une vieillerie, qui ne pouvoit figurer, qui [p.199] ne pouvoit trouver place au milieu des vertus civiques. Il eût été plus sage de les avoir éprouvées, ces vertus, & de les avoir éprouvées dans le calme, avant d'affoiblir, avant d'éteindre un sentiment, dont la délicatesse a souvent servi de supplément à la morale, & qui, dans son énergie, a fait de si grandes choses, un sentiment encore qui alloit si bien au caractère des François, & dont on retrouve les titres à chaque feuillet de l'histoire. Les vertus ne sont pas en tontine, aucune ne gagne à l'extinction des autres ; ainsi, l'honneur, cette brillante idée, l'honneur, ce principe si fécond en belles actions, méritoit plus d'égards & de respect, & une République en sa naissance, n'avoit pas encore acquis le droit d'exercer envers lui, toutes les rigueurs de l'ostracisme.

Nous n'avons rien de trop pour soutenir notre systême moral. L'honneur parmi nous, sert d'assistance à la probité; la pudeur, à la chasteté ; la politesse, à la bonté ; & jamais, sous aucun Gouvernement, on ne s'est avisé [p.200] de chercher a discréditer nos vertus succursales ; mais tel est le dérèglement des idées de nos nouveaux instituteurs, qu'ils croient, de bonne foi, pouvoir régir le monde entier avec la liberté & l'égalité.

Cependant, entre les diverses innovations du temps présent, la plus funeste peut-être à notre caractère, c'est le mépris qu'on affecte pour toutes les idées de douceur & de clémence. J'ai déjà expliqué, comment une Assemblée nombreuse, qui prend à elle non-seulement la Législation, mais encore le Gouvernement, étoit dans la nécessité de faire un grand usage des punitions ; elle ne peut employer que des moyens absolus & généraux, parce que sa masse lui interdit tout mouvement flexible. Elle peut bien se placer avant les actions comme Législatrice ; mais en Administration, elle le voudroit en vain, parce que sa marche est nécessairement pesante & compassée, & qu'elle n'a d'autre instrument que la loi. Cependant, le grand mérite du Gouvernement & son premier [p.201] devoir, c'est de prévenir les fautes, c'est d'éloigner, par des soins, le malheur de punir, c'est d'être juste envers la foiblesse humaine, avant d'être rigoureux envers les personnes.

Les Corps Législatifs, lors même qu'ils le pourroient, croiroient abaisser la majesté de la Loi, s'ils cherchoient, par des moyens indirects, à captiver l'obéissance ; & cette seule considération nous apprendroit, que l'Administration est mal entre leurs mains. On a cru d'ailleurs, sur la foi de quelques Publicistes en démocratie, que la rudesse étoit le signe distinctif de la liberté, & tout de suite nous avons pris ce caractère ; car, dans notre desir d'être Républicains, nous ressemblons beaucoup à M. Jourdain, qui voulant être gentilhomme, demandoit à son tailleur, comment se vêtissoient les gens de qualité.

C'est à une erreur de l'esprit, que j'aime à rapporter nos nouvelles manières; car, lorsque la dureté prend sa source dans le cœur, [p.202] il n'y a plus de remède. Elle doit être encore entretenue, cette dureté, par une Constitution, qui oblige continuellement à faire sa cour au Peuple & à ménager sa toute-puissance ; car, dans le cours habituel des privations, auxquelles il se trouve soumis, il voit toujours avec plaisir les rabaissemens & les sévérités ; & ce sentiment conforme à sa situation, est exalté maintenant par son indépendance. Ah ! comment n'y auroit-il pas quelque chose à redire à une Constitution, qui a produit à la fois, & les excès dont nous avons été les témoins, & l'indifférence avec laquelle on en a si souvent entendu les récits ? Comment n'y auroit-il pas quelque chose a redire à une Constitution, qui enhardit les forts, qui intimide les foi-bles, & qui réunit les idées de liberté aux farouches usages de la tyrannie? Une Nation éclairée, une Nation du dix-huitième siècle, ne peut pas être conduite par des Décrets d'accusation & par la menace continuelle des supplices. Il eût fallu prévenir ou tempérer [p.203] du moins, les haines & les irritations ; il eût fallu concilier, avec intelligence & avec bonté, les intérêts divers. L'ordre social est un composé d'idées fixes & d'idées nuancées ; les premières peuvent être apperçues par la théorie, les autres ne sont mises en leur jour que par l'expérience ; mais les leçons qui nous viennent d'elle, ont été comprises dans notre systême de proscription, ou décrétées d'accusation devant la Haute Cour de notre orgueil.

La douceur & l'aménité des mœurs, compagnes inséparables de l'indulgence & de la bonté, sont encore remarquables par leurs autres affinités ; & composées de plusieurs élémens, elles ont plus de rapport qu'on ne pense, avec les formes du langage. Nous devons aux impressions les plus fines & les plus délicates, une partie de nos sentimens & même de nos idées. Souvent, tandis que notre esprit raisonne, notre imagination s'est déjà rendue maîtresse de nous. Placée comme à l'extérieur de notre nature spirituelle, & [p.204] communiquant la première avec nos sens, elle nous prend tellement au dépourvu, elle exerce sur nous une autorité si rapide, que nous avons peine à nous en défendre. Ainsi, lorsque le langage d'une Nation, lorsque ses expressions habituelles acquièrent de la rudesse & de l'âpreté, les caractères se rapprochent de cette nature sauvage ; & de même que la lyre d'Orphée animoit les rochers & les rendoit sensibles, le langage du temps, par un effet contraire, endurcit notre cœur & pétrifie nos ames. On diroit, que des siècles, nous ont séparé de l'âge poli de la France, & je trouve dans la nouvelle éloquence, beaucoup d'analogie avec la nouvelle politique ; elle manque essentiellement de mesure & de convenance ; la liberté n'y est point réglée, les bienséances n'y sont point observées, la force n'y est point à sa place, son enthousiasme est apprêté, son hardiesse est toute de tête ; elle est agitée sans action, emphatique sans élévation, didactique sans clarté, monotone sans unité ; & [p.205] bisarre enfin dans tous ses détails, elle est niaise dans son ensemble.

Je quitte ce rapprochement, pour faire observer encore une particularité de notre nouveau langage, une particularité, qui sera peut-être uniquement appréciée par les Grammairiens, & qui tient cependant à la modification de notre caractère moral. On introduit chaque jour de nouveaux verbes complètement barbares, & on les substitue à l'usage des substantifs ; ainsi l'on dit, influencer, utiliser, exceptioner, préciser, fanatiser, patriotiser, pétitioner, vétoter, harmonier, &c. Cette remarque semble subtile, mais elle indique qu'on n'éprouve plus le besoin des expressions moelleuses & mesurées ; car ce n'est jamais par des verbes dont le sens est toujours positif, mais par l'union des adjectifs aux substantifs, que les idées acquièrent de la nuance & de la gradation.

Maintenant, on doit demander de quelle manière la nouvelle Constitution Françoise peut, non pas influencer la langue, mais avoir [p.206] sur elle une influence insensible ; c'est qu'il y a beaucoup de rapports entre le génie du langage & les sentimens exagérés, entre ce génie & le besoin journalier de captiver le Peuple, entre ce génie & l'empire de tous les Écrivains folliculaires, entre ce génie & la multiplication des vanités oratoires par la fréquence des Assemblées de tout genre, entre ce génie enfin, & la situation parallèle de tous les hommes.

Le goût n'est plus nécessaire, lorsque le sentiment des égards est absolument perdu, lorsqu'il n'y a plus de limite, lorsqu'il n'y a plus de barrière, & dans les idées & dans les principes, lorsqu'on est dominé par une seule pensée, & que, par un aveugle enthousiasme, on la croit applicable à tout, & suffisante pour tout.

Le goût n'est plus nécessaire, lorsqu'on a pris le Peuple pour seul maître, & que le plus grossier encens, convient au nouveau Dieu, dont on a fait choix.

Le goût n'est plus nécessaire, lorsque [p.207] l'empire de l'opinion, est entre les mains des Écrivains passionnés & des instituteurs corrompus, entre les mains de ces nouveaux Pasteurs, qui ne cherchent point à conduire le troupeau sur les vallons fleuris, ou vers des prairies verdoyantes, mais à le précipiter dans le creux des torrens, en le possédant de l'esprit des démons, & en l'agitant par des sortilèges.

Enfin, le goût n'est plus nécessaire, & chaque jour il doit se pervertir davantage, lorsque chacun veut écrire & parler, & lorsque, dans cette rivalité universelle, & pour se dépasser à l'envi, on s'élève de force en force jusques aux expressions les plus sauvages & aux images les plus rebutantes.

Je crains de m'être étendu trop long-temps fur un sujet, qui paroîtra petit à la place où je l'ai traité, mais un sentiment secret m'y a conduit. Je tournois mes regards avec mélancolie vers ces beaux jours, où la douce éloquence des Racines & des Fénélons, où la célébrité de tant d'autres [p.208] Écrivains, leurs dignes émules, illustroient leur Patrie & marquoient du sceau de leur génie, la gloire du nom françois. Je tournois mes regards vers ces beaux jours, où le plus harmonieux des langages, servoit à pénétrer les ames de tous les sentimens élevés, & de toutes les pensées sublimes. Une multitude de chefs-d’œuvre, le triomphe de l'esprit humain, avoient rendu la langue françoise la langue de l'Europe. Que deviendra-t-elle, quand elle aura passé dans les forges de nos nouveaux Cyclopes, & qu'ils l'auront brisée sur leur terrible enclume? On ne s'en servira plus que pour exprimer le cahos & le combat de tous les élémens.

Le sujet moral, que j'ai traité dans ce Chapitre, s'étend à mesure que j'avance, & il formeroit à lui seul l'objet d'un grand Ouvrage. Je renonce donc, pour finir, à différentes observations qui auroient encore de l'intérêt, si les idées surabondantes pouvoient jamais en avoir, lorsque tous les hommes aujourd'hui, sont si pressés de faire [p.209] route. Je ne puis m'empêcher cependant de présenter encore une réflexion sur l'effet immoral de la Constitution Françoise. On a eu besoin jusqu'à prêtent de la soutenir, & par des moyens rigoureux, & par des Comités de Recherches ou de Surveillance ; une inquisition mystérieuse s'en est suivie, & avec elle, on a vu naître les encouragemens à la délation, les espionnages, les interceptions de lettres & d'autres bassesses encore du même genre, toutes proscrites également, & par les lois, & par les principes de morale. On a coloré jusqu'à présent une telle conduite, en la rapportant aux précautions qu'un esprit de parti, rendoit nécessaires ; mais cet esprit finira-t-il, si la Constitution mécontente une grande partie de la Nation? Et de quel œil considérera-t-on la triste obligation, de confier le maintien d'un systême politique, à l'esprit d'inquisition & d'intrigue ? Tout semble permis, lorsque le Corps Législatif lui-même, a recours patemment à des voies déshonnêtes. Un exemple [p.210] donné de si haut, a des conséquences infinies.

L'air le plus pur, doit environner sans celle le Sanctuaire des Lois. Il faudroit qu'en y élevant ses regards, on se crût attiré par une influence inconnue, par une sorte de beauté morale, à laquelle tous nos sentimens se soumettroient sans contrainte. Il faudroit, qu'en approchant de ce sanctuaire, on crut y venir renouveller son ame, & la rappeler à l'amour des vertus qui servent de lien à l'ordre social. Et quelle reconnoissance ne seroit pas due, quels hommages ne seroient pas rendus aux Législateurs d'un grand Peuple, si, en s'occupant des intérêts politiques qui séparent les Nations, ils se montroient en même temps les Tuteurs de cette moralité qui les réunit; si, loin de se faire les serviteurs de la multitude, ils devenoient ses instituteurs & ses guides ; si, loin de seconder ses volontés tyranniques, ils se rangeoient avec courage, autour de la raison & de la justice; si, loin de s'avertir sans cesse, de prendre une fière attitude, ils étoient [p.211] grands, par la simplicité de leurs actions; & si, loin de poursuivre en haletant l'agile renommée, ils l'attendoient avec calme, ou lui donnoient rendez-vous, au Temple de la vérité !