Chapitre III. Avantages de cette définition de la Responsabilité, pour les mesures à prendre envers les agens subalternes de l’autorité


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CHAPITRE III.

Avantages de cette définition de la Responsabilité, pour les mesures à prendre envers les agens subalternes de l’autorité.

Nous trouvons dans cette définition exacte de la responsabilité la solution d'un problème qui, jusqu'à présent, a paru insoluble. Les agens inférieurs doivent-ils être considérés comme responsables ? Si vous étendez la responsabilité aux actes illégaux; vous ne pouvez refuser de résoudre cette question par l'affirmative. La négative anéantiroit toutes les garanties de la sécurité individuelle. Si vous ne punissiez que le Ministre qui donne un ordre illégal, et non les agens qui l'exécutent, vous placeriez la réparation si haut que souvent on ne pourroit l'atteindre. Ce seroit comme si vous prescriviez à un homme attaqué par un autre de ne diriger ses coups que sur la tête et non sur le bras de son agresseur, tous le prétexte que le bras n'est qu'un instrument aveugle, et que dans la tête est la volonté et par conséquent le crime. Mais si, de 1a nécessité de soumettre de la sorte les agens inférieurs [p.14] à des châtiments, quand ils exécutent des ordres coupables, vous infériez que, pour les objets qui sont dans la véritable sphère de la responsabilité, ils peuvent aussi être poursuivis, vous jetteriez dans les idées une confusion qui entraveroit toutes les mesures du Gouvernement, et qui rendrait sa marche impossible. Si le général et l'officier étoient responsables de la légitimité d'une guerre, ou l'ambassadeur du contenu d’un traité qu’il a reçu l’ordre de signer, aucune guerre n’est, aucune négociation, ne pourroient être dirigées avec succès. La distinction que j'ai établie lève seule la difficulté. Il est évident que la responsabilité proprement dite.ne pèse pas sur les .agens inférieurs, c'est-à-dire que ces agens ne sont responsables que de l'exécution stricte des ordres qu'ils reçoivent. Quand il s'agit d’attentats contre la sûreté, la liberté, la propriété individuelle, comme ces attentats sont des délits; ceux qui prêtent leur coopération à ces délits ne peuvent être mis à couvert par aucune autorité supérieure. Mais dans ce qui a rapport à l’usage bon ou mauvais d'un pouvoir légal, comme les ministres seuls peuvent connaître si l’usage qu'ils font du ce pouvoir est bon ou mauvais, ils son seuls responsables. Ainsi, le gendarme ou l'officier qui a concouru à l'arrestation illégale d’un citoyen, [p.15] n'est pas justifié par l'ordre d'un Ministre, parce que celui-ci n'avoit pas le droit de donner cet ordre. Mais s'il s'agit d'une guerre injuste ou funeste, d'un traité de paix désavantageux ou déshonorant, tout le monde sent que ni l'ambassadeur qui a signé le traité, s'il s'est conformé en tout aux instructions qu’il avoit reçues, ni le général qui a condamné, ni le soldat qui a servi dans la guerre, ne peuvent être recherchés.