Conclusion


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CONCLUSION

De l'ensemble de notre évolution constitutionnelle depuis 1789, que nous avons tenté de retracer dans cet ouvrage et dans le précédent, quelques idées directrices nous paraissent émerger.

Nul régime politique au sein des deux sociétés nationale et internationale, qui vivent et se transforment, n'échappe à la loi d'évolution.

Tout régime politique tend à se pervertir en développant à l'excès le principe qui domine en lui.

Tout régime meurt de ses propres fautes, qui consistent généralement dans le démenti donné à ses principes, souvent en les exagérant, bien plus que des attaques de ses adversaires.

Tout régime, pour vivre, doit donc évoluer en se réadaptant à sa fin.

Notre régime de démocratie parlementaire et purement représentative tend à la confiscation de la suprématie par l'organe qui semble le plus représentatif du pays, émanant directement du suffrage universel.

Mais ce régime, dominé par cet organe, ne paraît plus approprié à ses fins de sécurité, d'ordre, de justice, d'harmonie des intérêts en vue du bien général. Il doit agir dans une société nationale au sein de laquelle des forces nouvelles démesurées, rivales de la sienne, se sont développées, au sein de laquelle une crise aiguë de civilisation provoque un aigre conflit des intérêts et fait surgir des menaces de luttes intestines. Il doit agir dans une société internationale composée d'États dont beaucoup ont adopté des régimes totalitaires et dictatoriaux, d'États en conflits ardents entre eux.

Dans ces conditions une Assemblée soumise aux fluctuations d'une opinion publique désemparée, aux conflits d'intérêts contraires, particuliers ou de classes, semble ne pas pouvoir donner au [p.534] régime qu'elle domine l'énergie, l'autorité, la force et la rapidité de décision nécessaires.

Il est donc évident qu'une révision constitutionnelle, non plus abandonnée à l'action aveugle des faits, mais réfléchie, adaptée à la situation présente, s'impose.

Elle peut d'ailleurs se faire sur la base de la démocratie, car la démocratie n'exclut nullement le renforcement du principe d'autorité et la suprématie du Gouvernement, premier pouvoir de l'État, qui seul peut répondre aux tâches des époques troublées et difficiles comme la nôtre.

Mais encore faudrait-il que cette réforme se fît, par les voies régulières, si on veut éviter que la vie et la force l'opèrent par une réaction qui, comme celles qui ont marqué tout le cours de notre histoire constitutionnelle, irait à l'excès contraire.

Or ce qui rend le problème angoissant, c'est que le Parlement forme le pouvoir constituant et répugne naturellement à une révision, dont il ferait les frais, puisqu'elle devrait tendre à restituer au pouvoir exécutif, premier pouvoir de l'État, plus de force et d'autorité, son rôle à lui ne devant être que de collaboration et de contrôle.