Chapitre III - De la centralisation


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CHAPITRE III.

DE LA CENTRALISATION.




Quand on examine la constitution politique de la France et celle de l'Angleterre dans leur forme extérieure et dans leur mécanisme visible, on les trouve à peu près semblables, et l'on est tenté de croire que le même souffle les anime. Mais, quand on veut les étudier dans leur organisation intime et dans le jeu secret de leurs ressorts, on est obligé de reconnaître que la ressemblance est plus apparente que réelle. En Angleterre, par un heureux concours de circonstances, le gouvernement représentatif est né, a grandi, s'est développé avec les institutions secondaires et se les est, en quelque sorte, assimilées. Peut-être serait-il encore plus vrai de dire qu'en Angleterre les institutions principales ou secondaires procèdent de la même pensée, qu'elles sont sorties de la même souche, et qu'elles se rattachent les unes aux autres par une étroite parenté. De là vient qu'un lien secret en réunit fortement toutes les parties, et que sous beaucoup de diversité se cache une unité puissante. La discordance est quelquefois à la surface : l'harmonie toujours est [p.87] au fond. Allez à Londres ou dans le plus humble village, entrez au parlement ou dans une petite cour de comté, et partout vous aurez le même spectacle : celui d'un pays qui se gouverne lui-même, d'un pays qui discute publiquement, librement ses intérêts, grands ou petits. C'est à ce noble but que l'Angleterre, par ses mœurs comme par ses lois, n'a jamais cessé d'aspirer et de tendre. C'est ce noble but qu'elle a fini par atteindre après de longs efforts, après des efforts qui n'ont pas lassé son énergique persévérance.

Ainsi, en Angleterre, loin que les mœurs, les lois, les institutions secondaires entravent ou contrarient le pouvoir parlementaire, ce pouvoir y trouve son appui le plus solide, y puise ses forces les plus vives. En Angleterre, ainsi que M. Fiévée le remarquait justement dès 1814 : « Les droits du parlement sont le couronnement d'une foule d'autres droits qui les soutiennent, et la liberté publique se rencontre à chaque point de la circonférence comme au centre ». C'est un édifice qui peut avoir ses bizarreries, mais dont tous les étages reposent fortement les uns sur les autres. C'est un arbre qui affecte des formes peu régulières, mais dont les racines plongent profondément dans le sol, et dont les branches, aussi bien que la tige, sont pleines de vigueur et de séve.

En France, on le sait, l'origine du gouvernement représentatif est fort différente, et c'est dans un tout autre milieu qu'il se trouve placé. Après les erreurs, [p.88] après les violences de la Révolution, quand l'ordre politique tout entier était à refaire, un homme de génie apparut, qui, en peu de mois, et presque d'un seul jet, créa une machine régulière, puissante, admirable, mais qui certes n'était pas destinée à avoir la liberté pour moteur. C'est pourtant de cette machine, inventée pour le despotisme, que la liberté, depuis 1814, est condamnée à se servir. On a bien, à des époques diverses, notamment en 1831, essayé de la modifier dans quelques-unes de ses parties et de l'approprier à sa destination nouvelle. En réalité, elle est restée la même, et, en 1846 comme en 1814, notre gouvernement se compose d'un corps et d'une tête qui n'ont point été créés l'un pour l'autre, et dont chaque jour, à chaque minute, les fonctions se contrarient. La conséquence, c'est qu'à l'inverse de l'Angleterre, notre gouvernement cache, sous une régularité apparente, une irrégularité réelle. Comment comprendre, en effet, que des institutions dont l'origine est si différente, dont le principe est si contradictoire puissent, par cela seul qu'on les juxtapose, perdre leur caractère propre et vivre en bon accord? Comment comprendre que les pensées si divergentes d'où elles procèdent se transforment au moment où elles se rencontrent, et se confondent tout à coup dans une seule pensée? Comment comprendre, en un mot, que d'une union aussi arbitraire, aussi artificielle il ne résulte pas quelque chose de bâtard et d'incomplet ?

La condition essentielle du gouvernement [p.89] représentatif, personne ne le nie, c'est que la Chambre élective soit indépendante, c'est que les élections soient libres et pures. La condition essentielle de la monarchie administrative, tout, le monde en convient, c'est que les pouvoirs immenses dont l'autorité centrale est investie soient appliqués par elle avec justice, avec discernement ; c'est que les faveurs innombrables dont elle dispose se répartissent, se distribuent avec équité et dans le seul intérêt d'une bonne administration. Mais en même temps le gouvernement administratif subordonne l'existence des ministres au vote des députés, l'existence des députés au vote des électeurs. La monarchie administrative, d'un autre côté, met chaque jour les députés, comme les électeurs, dans l'obligation de frapper à la porte des ministres, pour obtenir d'eux non-seulement faveur, mais justice. N'y a-t-il pas, dans ce double besoin, dans cette double dépendance, une double tentation qui tend à altérer profondément les conditions du gouvernement représentatif comme celles de la monarchie administrative? Ne peut-il pas, ne doit-il pas arriver que, d'une part, les électeurs et les députés pèsent par leur vote sur les ministres, que, de l'autre, les ministres pèsent, par toutes les forces de l'administration, sur les électeurs et sur les députés? N'est-il pas à craindre enfin que cette action, cette pression réciproque ne pervertisse la justice administrative, en même temps qu'elle détruit l'indépendance parlementaire et la pureté électorale?

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Qu'on vienne dire maintenant que la corruption, cette lèpre des gouvernements libres, ne saurait se propager et s'étendre en France comme en Angleterre ! Est-ce que les ministres anglais ont dans leurs poches quelques milliers de places à donner comme il leur plaît? Est-ce que ce sont eux qui font les routes, qui construisent les ponts, qui relèvent les églises? Est-ce qu'on a besoin de leur permission pour défricher son bois, pour rebâtir sa maison, pour réparer sa fabrique ? Est-ce qu'ils distribuent à qui bon leur semble des décorations, des tableaux et des bourses? Est-ce que leur patronage embrasse tous les besoins, tous les intérêts, toutes les carrières, depuis le premier jusqu'au dernier degré de l'échelle? Auprès de tels moyens d'influence les richesses de l'aristocratie anglaise sont peu de chose, et celles du ministère anglais ne sont rien. On a fait grand bruit, dans le dernier siècle, des pensions secrètes dont Walpole, pour se créer une honnête majorité, tirait si bon parti. Qu'on donne à Walpole la centralisation française, et nul doute que sa vertu ne répudie facilement l'inutile ressource des pensions.

Le gouvernement représentatif, c'est le pays qui se gouverne lui-même, non pas directement, mais par des représentants qu'il choisit. La monarchie administrative, c'est le pays qui est gouverné despotiquement, mais avec équité et selon des formes régulières. Quant au gouvernement mi-parti de l'un et de l'autre, il se pourrait que chacun des deux lui eut transmis ses inconvénients sans ses avantages ; il [p.91] se pourrait qu'il manquât d'équité comme de liberté, de régularité comme de vie; il se pourrait, en un mot, que la corruption, une corruption savante, organisée, systématique, le possédât tout entier, et qu'il devînt ainsi le pire des gouvernements.

On aurait d'ailleurs tort de croire que le vice, le danger dont il s'agit ait échappé à la pénétration politique de nos devanciers. Sans parler des écrivains royalistes, qui, au début de la Restauration, attaquaient la centralisation impériale par haine de l'Empire, il se trouva, vers 1817, des hommes vraiment libéraux, vraiment patriotes, qui mirent en doute la possibilité de faire vivre et prospérer ensemble des institutions si opposées. En 1820, dans son livre sur le gouvernement de la France, M. Guizot, membre alors d'une vive opposition, traita la question avec sa sagacité ordinaire : « En Angleterre et en Amérique, dit-il, l'arbre est sorti de ses racines, l'édifice s'est élevé sur d'anciens fondements. Pour nous, au contraire, le gouvernement représentatif est arrivé d'en haut. Il s'est superposé sur un pays qui l'implorait et ne l'avait pas créé. Aussi en avons-nous reçu les grands linéaments, les formes principales, avant d'en posséder les éléments les plus primitifs, les plus inaperçus... Faut-il s'étonner que chaque année nous apporte la révélation de quelque lacune et la demande de quelque effort ? Déjà le besoin de certaines améliorations s'est fait avouer. Le temps nous indiquera encore dans nos institutions bien des vides à [p.92] remplir, des changements à opérer, des impossibilités à faire disparaître, » — « Le pouvoir, disait-il ailleurs[1], a hérité d'une machine clans laquelle aucune issue n'a été réservée à l'opposition, où tout émane du gouvernement et revient à lui. Il nomme seul tous ses fonctionnaires publics, régit seul toutes les affaires publiques, les plus petites comme les plus grandes, les plus obscures comme les plus apparentes. Si, dans la région où il s'exerce et qui embrasse tout, une volonté autre que la sienne se manifeste, il la brise comme il lui plaît. Si quelque question où il s'est engagé se présente, il la décide comme il lui convient. Nulle part, si ce n'est à la Chambre des députés, l'opposition ne se place sur son chemin. Nulle part ailleurs une force indépendante n'est admise à concourir à son action, à lui disputer ce qu'il veut: Est-ce là l'état naturel d'un peuple libre, la condition du gouvernement représentatif? Je ne le pense pas. »

« De la société en poussière, disait M. Royer-Collard, en 1822, est sortie la centralisation. Il ne faut pas chercher ailleurs son origine. La centralisation n'est pas arrivée, comme tant d'autres doctrines non moins pernicieuses, le front levé, avec l'autorité d'un principe : elle a pénétré modestement, comme une conséquence, une nécessité. En effet, là où il n'y a que des individus, les affaires qui ne sont pas les leurs sont des affaires publiques, [p.93] les affaires de l'État. Là où il n'y a point de magistrats indépendants, il n'y a que des délégués du pouvoir. C'est ainsi que nous sommes devenus un peuple d'administrés, sous la main de fonctionnaires irresponsables, centralisés eux-mêmes dans le pouvoir dont ils sont les ministres... La société, si riche autrefois de magistratures populaires, n'en a plus une seule. Elle est centralisée. Son administration tout entière a passé dans le gouvernement. Pas un détail ne lui a échappé. Ce sont les délégués de la souveraineté qui nettoient nos rues et qui allument nos réverbères. »

En 1824, M. Royer-Collard alla plus loin. Alors, comme aujourd'hui, on était au lendemain d'une élection dont la corruption avait faussé les résultats, et qui livrait la France à un ministère, à une politique que la France repoussait. Cette situation frappa M. Royer-Collard, et, dans la discussion sur la septennalité, il prononça un discours que je voudrais reproduire tout entier.

« Pour que le gouvernement représentatif existe, » dit M. Royer-Collard dans ce discours mémorable[2], il ne suffit pas de la présence d'une chambre, ni de la solennité de ses débats et de la régularité de ses délibérations, ni de la loyauté, des lumières, du patriotisme des hommes qui la composent; et la véritable élite de la France, discernée par un choix surnaturel et rassemblée dans [p.94] cette enceinte, ne réaliserait pas encore le gouvernement représentatif, si elle n'était pas envoyée par la nation. Or, malgré la volonté déclarée de la Charte, nous avons vu d'année en année, d'épreuve en épreuve, l'élection de la Chambre passer légalement, en quelque sorte, de la nation au pouvoir. C'est ici surtout que j'accuse les choses plus que les hommes; un si étonnant résultat est au-dessus de toute perversité comme de toute habileté. Il a sa raison dans la société, telle que la révolution l'a faite, dans le pouvoir, tel que l'Empire, héritier de la révolution, l'a constitué. »

Après avoir énuméré, examiné toutes les ressources dont l'administration dispose, soit pour introduire sur les listes de faux électeurs, soit pour en éliminer les électeurs véritables, M. Royer-Collard ajoutait :

« Le ministère a formé les collèges. Qui votera dans ces collèges ? Tous les électeurs admis, sans doute. Non ; ce sera, pour un très-grand nombre, le ministère. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est lui, » c'est sa prétention publique, officielle, raisonnée. Le ministère vote par l'universalité des emplois et des salaires que le gouvernement distribue, et qui, tous ou presque tous, directement ou indirectement, sont le prix de la docilité prouvée; il vote par l'universalité des affaires et des intérêts que la centralité lui soumet ; il vote par tous les établissements religieux, civils, militaires, scientifiques » que les localités ont à perdre ou qu'elles [p.95] sollicitent ; il vote par les ponts, les routes, les canaux, les Hôtels-de-Ville, etc. ; car les besoins publics satisfaits sont des bienfaits de l'administration, et, pour les obtenir, les peuples, nouveaux courtisans, doivent plaire. En un mot, le ministère vote de tout le poids du gouvernement, qu'il fait peser en entier sur chaque département, chaque commune, chaque profession, chaque particulier…

Le mal est grand, Messieurs, il est si grand que notre raison bornée peut à peine le comprendre, et qu'elle est hors d'état d'en apercevoir toutes les conséquences, qui cependant, par la force invincible des choses, se font jour, s'amassent, et déjà nous accablent. Le gouvernement représentatif n'a pas été seulement subverti par le gouvernement impérial ; il a été perverti, il agit contre sa nature, Au lieu de nous élever, il nous abaisse ; au lieu d'exciter l'énergie commune, il relègue tristement chacun au fond de sa faiblesse individuelle ; au lieu de nourrir le sentiment de l'honneur, qui est notre esprit public et la dignité de notre nation, il l'étouffe, il le proscrit, il nous punit de ne savoir pas renoncer à notre estime et à celle des autres. Vos pères, Messieurs, n'ont pas connu cette profonde humiliation. Ils n'ont pas vu la corruption placée dans Je droit public et donnée en spectacle à la jeunesse étonnée, comme la leçon de l'âge mûr. »

Je le demande aux hommes sincères de toutes les opinions : y a-t-il dans cet admirable morceau une [p.96] ligne, une seule ligne qui dût être aujourd'hui retranchée?

Je sais d'ailleurs ce qu'on peut dire. C'est en 1824 que M. Royer-Collard déclarait le gouvernement représentatif abaissé et corrompu. Trois ans après, le gouvernement représentatif se relevait, se purifiait, et le corps électoral, le même corps électoral qui, en 1824, avait envoyé la chambre des trois cents, nommait une chambre toute différente, celle qui fit la glorieuse adresse de 1830. Cela est vrai, et je reconnais qu'à la fin de la Restauration, comme au début du gouvernement actuel, on a pu croire que la maladie s'était arrêtée et que le progrès des mœurs suffirait, sinon pour la guérir tout à fait, du moins pour la rendre peu dangereuse. La cause en est foute simple : à la fin de la Restauration comme au début du gouvernement actuel, la France était en état de crise violente. L'ancien régime triompherait-il de la France nouvelle, ou serait-il vaincu par elle? La monarchie élue, la monarchie constitutionnelle l'emporterait-elle, d'une part, sur la monarchie légitime; de l'autre, sur la république ? Voilà les questions qui se débattaient, dans les Chambres, dans les collèges électoraux, dans la presse, dans la rue ; questions brûlantes, révolutionnaires, et qui mettaient en présence toutes les passions et tous les intérêts. Or, dans de tels moments, les petits calculs, les petits moyens disparaissent devant la grandeur des événements, et les âmes les plus faibles se retrempent. Mais les constitutions ne sont pas faites [p.97] pour les temps de révolution et de guerre civile ; elles sont faites pour les temps ordinaires, pour les temps où les passions s'apaisent, où les intérêts se rassurent, où les questions se rapetissent. Si alors elles fonctionnent mal, c'est qu'il est en elles un vice caché, un vice auquel il importe de porter remède.

De 1827 à 1835, la France était un champ de bataille où le bruit des armes couvrait la voix de la corruption, où l'ardeur et l'importance de la lutte élevaient à des pensées plus hautes, à des sentiments plus généreux les esprits et les cœurs. De 1835 à 1840, la lutte cessa, le calme se rétablit, et la maladie reprit son cours. Néanmoins, pour que la question se présentât au pays dans toute son étendue, avec toute sa gravité, une épreuve restait à faire : celle d'une longue administration qui, au milieu de l'apaisement des passions politiques, entreprît de séduire la Chambre élective et le corps électoral, et consacrât systématiquement à cette œuvre déplorable tous les pouvoirs, toutes les forces, toutes les ressources que la monarchie administrative lui confie; d'une administration qui, non pas quelques jours, mais plusieurs années de suite, mît au service de sa conservation personnelle la centralisation impériale tout entière; d'une administration, en un mot, qui, sans scrupule et sans mesure, livrât à ses amis, à ses clients parlementaires ou électoraux les finances, l'administration, l'armée, la justice elle-même. Aujourd'hui l'épreuve est faite, et, certes, elle est assez concluante.

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Pendant quatre ans, n'a-t-il pas existé dans chaque arrondissement un protecteur officiel, avoué de tous les intérêts locaux ou privés, un intermédiaire obligé entre les besoins des populations et la justice ou la faveur ministérielle ? Pendant quatre ans, a-ton vu un emploi donné, un secours distribué, une décoration obtenue, une église réparée, une route construite ou redressée, un défrichement autorisé, une bourse accordée, sans l'aveu, sans l'appui ostensible ou secret de cet intermédiaire? Pendant quatre ans, en un mot, est-il un acte de justice ou d'humanité qui n'ait été misérablement subordonné à l'intérêt politique ? Quand une place est vacante, croyez-vous qu'on s'inquiète de savoir quel est, pour la remplir, le plus capable et le plus digne? Quand une affaire est instruite, vous imaginez-vous qu'on recherche de quel côté est le bon droit ou l'intérêt public? Par qui sont recommandés les divers candidats? Qui prend intérêt à l'affaire? Voilà la grande question ; puis on suppute combien de votes parlementaires ou électoraux pourra donner telle ou telle décision. Et ces indignes calculs ne s'arrêtent pas même au seuil de la justice : ce n'était point assez d'avoir fait des grades militaires et du signe de l'honneur une monnaie politique ; il fallait qu'on allât plus loin, et qu'on vît le plus saint des droits, le droit de grâce, prostitué au désir de capter quelques suffrages ! Il fallait que, sur plusieurs points de la France, on vît l'exercice de la justice suspendu, afin de tenir certains électeurs en échec!

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Je le dis avec une profonde conviction : ainsi entendue, ainsi pratiquée, la centralisation impériale est l'instrument le plus redoutable, le plus détestable qui jamais ait été mis aux mains d'un gouvernement ; et M. Royer-Collard, en 1824, n'en disait pas assez. Qu'il me soit d'ailleurs permis de traiter avec tout le dédain qu'elles méritent les pauvres récriminations qui, sur cette question comme sur d'autres, forme le fond de l'éloquence ministérielle. Vous commencez par nier ce qu'on vous reproche ; puis, cela fait, vous dites qu'après tout, personne n'est en droit de vous jeter la pierre, et que tout le monde est ou voudrait être aussi coupable que vous. Admettons, que vous disiez vrai et que la tentation soit, en effet, trop forte pour tout ministère, pour toute majorité ; admettons que tous ceux qui ont été avant vous au pouvoir, que tous ceux qui y seront après vous aient abusé ou doivent abuser comme vous de la puissance administrative ; qu'en voulez-vous conclure ? Sans doute que le tort est aux choses plutôt qu'aux hommes, et que, pour détruire un mal aussi grand, aussi contagieux, aussi universel, les hommes honnêtes de tous les partis doivent se réunir? Point. Vous en concluez que, la maladie ayant atteint tout le monde, personne ne doit songer à la guérir : conclusion étrange, et qui suffit pour trahir aux yeux de tous votre véritable pensée.

Que faut-il penser, après cela, de la peine qu'on a prise, dans ces derniers temps, pour rechercher toutes les recommandations, toutes les apostilles [p.100] données à certains électeurs par quelques députés de l'opposition? Hélas ! Cela est trop vrai : il est aujourd'hui si bien établi qu'aucune demande, même la plus juste, ne peut réussir sans l'appui d'un député ou d'un aspirant député, que les députés de l'opposition comme les autres sont souvent exposés à des obsessions pressantes. Que faut-il faire alors? Refuser l'apostille sans laquelle aucune demande ne réussit, ou bien renvoyer le demandeur au député surnuméraire? C'est, dans le premier cas, un acte de dureté ; dans le second, un acte de vertu, dont profiterait la politique ennemie. On signe donc sans beaucoup d'espoir de succès, et on écrit une lettre à laquelle il est rarement répondu. Voilà, dans son exacte vérité, le fait, le grand fait dont on veut, faute de mieux, se faire une arme contre la réforme. Qu'est-ce que ce fait prouve en définitive ? Que partout, au sein du corps électoral, l'idée du député s'est profondément altérée ou dénaturée; qu'au lieu de voir en lui le représentant politique des intérêts généraux, on n'y voit plus que le défenseur, le patron des intérêts locaux ou privés ; que le gouvernement représentatif, en un mot, s'écroule par la base comme par le sommet. Et pourquoi en est-il ainsi? Est-ce, comme M. Dejean le prétendait, au mois d'août dernier, parce que l'opposition le dit et qu'on la croit sur parole ? N'est-ce pas plutôt parce que le gouvernement y trouve son compte et en fait, au su et au vu de tous, la règle de sa conduite?

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Qu'on ne se fasse pas illusion. Tant que ce déplorable système durera, députés de la majorité, députés de l'opposition, tous en subiront l'influence. Les députés de la majorité demandent et obtiennent plus que les députés de l'opposition ; le système donné, cela est inévitable, bien qu'on s'amuse parfois à dire le contraire. Mais, sans discuter sur le plus ou sur le moins, on ne peut nier qu'à des degrés divers, la Chambre presque entière ne se fasse solliciteuse. Or, c'est là le mal qu'il faut couper dans sa racine. Si l'opposition obtient autant qu'on le dit, son mérite en sera plus grand ; si la majorité est moins bien traitée qu'on ne le prétend, sa perte en sera moindre. Malheureusement, tout en se plaignant quelquefois du fardeau qui pèse sur elle, la majorité ne paraît pas fort pressée de s'en débarrasser. On sait à quel signe une sagesse antique distingua jadis la fausse mère de la mère véritable. Il est un signe non moins certain, auquel on peut distinguer les vrais ou les faux adversaires de la corruption politique.

Je n'entends point d'ailleurs nier, pour ma part, que, sur ce point comme sur d'autres, je n'aie beaucoup appris depuis six ans. On dit, avec une intention facile à saisir, que la défaite rend clairvoyant et que les leçons de l'adversité sont instructives. Cela est vrai, comme il est vrai que la victoire aveugle et que le succès égare. C'est pourquoi, dans le gouvernement représentatif, il est bon, il [p.102] est nécessaire que les partis changent quelquefois de positions et de rôles. L'opposition, devenue majorité, s'aperçoit que, sur certains points, elle se trompait, et que le pouvoir a des difficultés dont elle ne tenait pas assez compte. La majorité, devenue opposition, découvre que certains actes, certaines pratiques, qui lui paraissaient naturels et légitimes, sont blâmables et injustes. Ainsi, par l'enseignement salutaire de l'expérience se corrigent, se redressent les exagérations et les erreurs des partis.

Bien que le parti conservateur ait grand besoin de cet enseignement, on ne peut espérer qu'il aille le chercher de son plein gré. Mais, si le parti conservateur croit encore un peu au gouvernement représentatif, il doit se préparer au jour où le pouvoir quittera ses rangs pour passer dans ceux de l'opposition. Toutes les forces de l'administration, ces forces dont le parti conservateur use et abuse aujourd'hui, tomberont alors entre les mains de ses adversaires, qui pourront être tentés de prendre leur revanche. Que deviendrait, dans ce cas, le parti conservateur, au milieu de tant d'appétits surexcités depuis longues années, et auxquels il ne serait plus maître de donner leur pâture? Que deviendrait-il surtout, si cette pâture, distribuée par des mains ennemies, servait à payer des votes en sens contraire? Un journal conservateur (la Presse) disait, ces jours derniers, que la majorité ferait toujours bien de se conduire comme si elle devait, [p.103] le lendemain, devenir minorité. Le conseil est excellent, et nulle part l'application n'en est plus évidente.

Ce n'est donc point seulement au nom de l'honnêteté publique, au nom des principes constitutionnels, au nom de la bonne administration, c'est encore au nom de l'intérêt personnel et de la plus vulgaire prévoyance que l'opposition, dans cette grave question, fait appel au parti conservateur. Qu'il y regarde de près, et qu'il dise s'il est juste, s'il est bon que le gouvernement représentatif et la centralisation administrative continuent à s'énerver, à se pervertir l'un l'autre. Qu'il dise s'il n'est pas temps d'empêcher que, dans l'administration, la politique ne détruise l'équité ; que, dans la politique, l'administration n'étouffe la liberté. Qu'il dise s'il n'y a pas danger pour tout le monde à laisser entre les mains d'un parti quelconque, dès que ce parti s'est emparé du pouvoir, un moyen à peu près certain de dominer les élections et d'obtenir une majorité complaisante?

Voici, en résumé, comment je pose la question : Il existe en France deux gouvernements, d'origine et de nature opposées, qui, pris isolément et se développant dans leurs conditions normales, pourraient donner au pays quelques-uns des biens auxquels le pays aspire ajuste titre. Mais, en se rencontrant, ces deux gouvernements s'embarrassent, s'entravent, se neutralisent mutuellement. Il en résulte que la machine administrative est faussée et le gouvernement [p.104] représentatif perverti. Est-il possible que ceux qui tiennent à l'une ou à l'autre restent, en présence d'un tel mal, comme les Orientaux en présence de la peste, immobiles, résignés, silencieux? Est-il possible qu'ils voient périr à la fois la justice administrative et la liberté politique sans essayer de les sauver toutes les deux ?

Mais, je le reconnais : ici comme partout, il est plus aisé de signaler le mal que d'en découvrir le remède. Nous en avons eu la preuve dans la proposition qu'un ancien député, homme de talent, homme de courage, a soumise deux fois à la Chambre. Personne assurément ne s'est élevé avec plus de force que M. de Gasparin contre le système honteux, dégradant, désastreux qui envahit en ce moment les électeurs, les députés, les ministres. Personne n'a déclaré plus nettement que le mal a toujours été croissant depuis dix ans, et qu'il doit croître encore. Qu'a-t-il proposé pourtant? D'une part, je ne sais quelle déclaration sentimentale, souscrite par tous les membres de la Chambre ; de l'autre, quelques articles de loi insignifiants, pour régler l'entrée et l'avancement dans les fonctions publiques. C'est cet innocent spécifique à la main, que M. de Gasparin conviait toutes les opinions à se réunir et la Chambre à sauver, par un grand effort, les libertés constitutionnelles et l'honnêteté publique!

Il faut aller au fond des choses et ne pas se contenter de si peu. D'un côté, la centralisation impériale, avec les lois et les décrets innombrables qui [p.105] la constituent ; de l'autre, la Chambre des députés et le corps électoral, avec les trois ou quatre lois qui les organisent, voilà les éléments dont le contact est funeste et qui, par leur rapprochement, engendrent le triste système que nous déplorons. On ne saurait obtenir un résultat quelconque sans toucher sérieusement à l'un ou à l'autre, peut-être même à tous les deux.

Malheureusement, sur cette question, au sein même du parti libéral, les opinions se divisent. Pour les uns, la centralisation est la plus admirable conquête de la civilisation moderne, la plus sûre garantie de la force, de la grandeur, de l'indépendance nationales. Pour les autres, la centralisation est l'instrument le plus puissant du despotisme, l'ennemie la plus dangereuse du gouvernement représentatif et de la liberté constitutionnelle. De là une tendance manifeste, chez les uns, à maintenir, à fortifier la centralisation, même aux dépens du gouvernement représentatif; chez les autres, à sauver le gouvernement représentatif en détruisant la centralisation. Ce sont deux avis extrêmes et qui ne tiennent pas un compte suffisant de l'état des opinions et des faits. Il est à regretter sans doute que toutes nos institutions n'aient pas la même origine, qu'elles ne découlent pas du même principe, qu'elles ne se groupent pas autour de la même pensée ; il est à regretter que l'organisation constitutionnelle de la France manque ainsi de cette unité, de cette homogénéité, de cette concordance qui font [p.106] la force de la constitution britannique ; mais il en est ainsi, et nous ne pouvons pas empêcher que nos institutions, nos lois, nos mœurs ne procèdent à la fois de l'ancien régime, de la Révolution, de l'Empire, de la Restauration. Quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, la centralisation impériale, d'une part, le gouvernement représentatif, de l'autre, ont poussé en France de fortes racines et sont assez robustes pour se défendre. Prétendre abattre l'une pour faire mieux prospérer l'autre, ce serait la plus folle des entreprises.

Est-il d'ailleurs bien prouvé, bien établi qu'entre le gouvernement représentatif et la centralisation administrative l'incompatibilité soit radicale et toute conciliation impossible? Oui, certainement, dans les conditions actuelles du gouvernement représentatif et de la centralisation ; non, peut-être, si ces conditions étaient sagement modifiées. C'est, il faut le dire, une pensée dont jamais on n'a paru se préoccuper, quand on touchait soit à l'organisation politique, soit à l'organisation administrative. A voir la manière dont on s'y prennait, on eût dit que chacun des deux systèmes était isolé, indépendant, et n'avait besoin que d'être réglé en lui-même. N'est-ce pas comme si l'on construisait une machine dont les pièces, prises à part, seraient admirables, mais auraient l'inconvénient de ne pas s'ajuster ensemble ?

Examiner les lois qui organisent la centralisation administrative et le gouvernement représentatif, non [p.107] pas en elles-mêmes ou dans leurs rapports avec le système auquel elles se rattachent directement, mais dans l'influence qu'elles ont les unes sur les autres et dans leurs relations avec le système qui leur est étranger, voilà le premier travail à faire. Le second, c'est de réviser, de retoucher ces lois, de manière à les mettre en harmonie. Il y a là, ce me semble, pour tous les hommes que les querelles du moment n'absorbent pas et qui songent au lendemain, le sujet de réflexions sérieuses et d'importantes études.

Je dois me borner, en ce qui concerne la centralisation, à quelques réflexions générales et sommaires. A mon sens, on confond souvent sous le même nom des choses fort différentes. La centralisation, dit-on, fait la grandeur, la force, l'indépendance de la France. De quelle centralisation veut-on parler? Est-ce de celle qui de vingt provinces, diverses par la langue, par les mœurs, par les lois, a fait un vaste empire dont tous les habitants se reconnaissent pour frères et se confondent dans une grande association nationale? Est-ce de celle qui à la confusion des coutumes judiciaires et au désordre des finances a substitué l'uniformité du Code civil et la régularité financière ? Est-ce de celle qui place entre les mains du gouvernement central l'armée, l'administration politique, l'université, le budget, tout ce qui tend à réunir dans une unité puissante toutes les parties du territoire et toutes les forces morales ou matérielles du pays? Est-ce enfin de celle qui, par des moyens divers, met le gouvernement [p.108] en mesure de se faire partout respecter et partout obéir? Excepté peut-être dans quelques salons, dans quelques châteaux des vieux temps, personne, que je sache, ne songe à supprimer, à altérer, à affaiblir la centralisation ainsi comprise. Ce n'est point seulement l'œuvre de l'Empire ; c'est l'œuvre des siècles, commencée par Richelieu, continuée par Colbert et Turgot, complétée par la Révolution et par l'Empire. Quels qu'en puissent être les inconvénients partiels, les avantages généraux en sont trop grands pour que la France consentît à les perdre.

Mais, à côté de cette centralisation, il en est une autre, que l'Empire a créée, que la Restauration a perfectionnée, et qui ne peut se couvrir des mêmes raisons. Peut-on dire, par exemple, en quoi la force et la grandeur de l'État seraient compromises si les départements, si les communes étaient soumis à une tutelle moins rigoureuse? Peut-on dire en quoi il importe à l'indépendance nationale que les ministres réparent les églises et les presbytères, distribuent çà et là des tableaux et des livres, disposent enfin arbitrairement, comme bon leur semble, de tous les fonds communs? Est-ce que par hasard l'unité de la France serait moins grande, la frontière moins bien gardée, le gouvernement moins bien obéi, si ces fonds communs, répartis, d'après certaines règles, entre les départements, étaient distribués soit par les conseils généraux, soit par les préfets, sous le contrôle de ces conseils? Qu'on cesse donc de confondre ces deux centralisations et de [p.109] mettre les infirmités de l'une à couvert sous les mérites de l'autre. Il y a une centralisation politique, gouvernementale, qui, dans l'intérêt de la grandeur et de la force nationales, doit être, à tout prix, maintenue. Il y a une centralisation purement administrative, qui, sans danger, sans inconvénient pour aucun des grands intérêts du pays, peut être révisée et diminuée.

Ici d'ailleurs se place et s'applique l'observation que j'ai faite : si l'on voulait examiner l'organisation administrative indépendamment de l'organisation politique, peut-être trouverait-on que les choses sont bien comme elles sont. Ainsi, il est possible que les communes et les départements, si l'on étendait leurs attributions, n'en fissent pas toujours un excellent usage, et que la tutelle étroite de l'État leur évite certaines fautes. Il est possible également que la distribution des fonds communs par l'autorité centrale soit très-bien imaginée, très-bien entendue, dans le système de la monarchie administrative, de cette monarchie où l'autorité centrale, assurée de son existence et maîtresse de ses mouvements, n'a personne à ménager, personne à gagner, et peut facilement rester juste. Mais c'est une singulière prétention que de vouloir, dans un pays libre, prévenir toutes les fautes, toutes les erreurs et affranchir les citoyens de toute responsabilité collective ou locale. C'est une étrange illusion, d'un autre côté, que de demander à l'arbitraire uni à l'intérêt beaucoup d'équité, beaucoup d'impartialité. Encore une fois, [p.110] l'autorité centrale de 1846 n'est point celle de 1808 ; celle de 1808 relevait d'un chef unique et n'avait à compter ni avec 459 députés ni avec 250,000 électeurs; celle de 1846 attend de ces députés, de ces électeurs la victoire ou la défaite, la vie ou la mort. Pour que la première fût impartiale, il suffisait d'une faible dose de justice et d'honnêteté ; pour que la seconde le soit, il faut de la vertu. Or, la vertu n'a jamais passé pour commune en ce monde, et je doute que, sous le régime actuel, elle soit en voie de le devenir.

Il y a donc, j'en suis convaincu, quelques modifications à introduire dans notre organisation administrative ; mais, quand on y regarde de près, on s'aperçoit aisément que, toutes ces modifications faites, il restera encore entre les mains du pouvoir central une masse considérable de moyens d'influence. On ne supprimera pas, en effet, les administrations financières, qui, dans leurs branches si diverses et si nombreuses, ouvrent aux familles une carrière avantageuse ; on ne supprimera pas l'organisation judiciaire, qui, depuis le premier président de la Cour de cassation jusqu'au plus petit juge de paix, place sous l'autorité d'un seul ministre plusieurs milliers de magistrats, titulaires ou aspirants ; on ne supprimera pas l'armée, la marine, où la faveur lutte sans cesse contre la règle, où trop souvent les services militaires s'effacent devant d'autres services beaucoup moins glorieux; on ne supprimera pas l'administration des ponts et chaussées, qui, dans [p.111] ces dernières années surtout, a éveillé tant d'espérances, inspiré tant de craintes, suscité tant de convoitises locales ou personnelles ; on ne supprimera pas enfin, dans l'administration proprement dite, cette foule d'attributions de toute espèce, qui, en Angleterre, se partagent entre le parlement et les associations locales, tandis qu'en France, elles vont, au nom de l'autorité centrale, chercher, saisir les citoyens dans presque tous les actes de leur vie publique et privée. C'en est plus qu'il n'en faut assurément pour qu'un gouvernement corrupteur ait toujours les moyens de corrompre ; c'en est plus qu'il n'en faut pour qu'entre les ministres, d'une part, les électeurs et les députés, de l'autre, de déplorables transactions restent faciles ; c'en est plus qu'il n'en faut pour que les tristes prédictions de M. Royer-Collard soient un jour réalisées.

Qu'on enlève à l'autorité centrale tout ce qu'on peut lui enlever sans dommage pour l'État, que partout, si cela est possible, on substitue la règle au bon plaisir, le droit à l'arbitraire ; que l'entrée dans les fonctions publiques et l'avancement soient soumis à certaines conditions obligatoires ; que les fonds communs soient, au moins pour la plupart, remis à la disposition des conseils généraux, et que cette source de corruption soit ainsi tarie ou diminuée, ce sera quelque chose sans doute ; ce ne sera point assez, si l'on veut réellement purifier le gouvernement représentatif. Après avoir attaqué la corruption dans quelques-uns des moyens qu'elle [p.112] emploie, il faut donc la frapper dans son siège principal, là où ses ravages se font surtout sentir. Voici, dès lors, comment la question doit être posée. Les lois qui règlent actuellement la composition, l'organisation de la Chambre des députés sont-elles favorables ou contraires au développement, aux progrès de la corruption politique ? Peut-on, en modifiant ces lois, non pas supprimer entièrement le mal, mais le circonscrire, le réduire de manière que la Chambre, au lieu de représenter quelques intérêts particuliers et locaux, représente vraiment l'intérêt général ? En un mot, n'existe-t-il pas, au point de vue de la morale et de l'honnêteté publique, des réformes praticables et convenables, des réformes qui, sans donner aux théories absolues une satisfaction impossible, corrigeront des injustices manifestes, feront cesser des abus flagrants, des abus intolérables? C'est ce que je vais examiner dans les deux chapitres qui suivent.