Discours et projet de déclaration des principes essentiels de l'ordre social et de la République française


Mots clés : France

Philippe-Antoine Merlin (de Douai), Discours et projet de déclaration des principes essentiels de l'ordre social et de la République française, prononcés à la Convention nationale, dans la séance du 23 germinal an III, impr. par ordre de la Convention nationale.

Discours et Projet

De déclaration des principes essentiels de l'ordre social et de la République française,

Prononcés à la Convention nationale

Dans la séance du 23 germinal an 3,

par Ph.-Ant. MERLIN (de Douai)

Imprimés par ordre de la Convention nationale

Les dissentions intérieures qui retardent continuellement vos efforts, et qui donnent le signal de la discorde sur tous les points de la République, n’arrêteront plus vos travaux : la carrière est ouverte et libre. C’est maintenant que la France attend de vous une marche rapide et non interrompue vers le but de votre mission, et que chaque jour doit la rapprocher de la paix et du bonheur. – Vous avez à régler les finances, à y mettre la clarté, la comptabilité, la simplicité ; à mesurer et balancer les engagements et la fortune publique, à rappeler le crédit et la confiance par l’économie, l’ordre, la publicité et la justice. – Les routes de la production, de l’industrie, du commerce doivent se rouvrir et faire disparaître le découragement, la paresse et l’agiotage.

– Des secours sagement distribués, non à l’impudente avidité, mais à l’indigence laborieuse, doivent porter la consolation dans le malheur, et l’activité du travail dans les lieux où il manque. – L’instruction, l’éducation, les exercices et les monuments publics doivent rappeler les lumières et ressusciter les mœurs. – Des lois claires et simples doivent fixer les droits des citoyens et décourager la mauvaise foi. – Vous avez surtout à organiser un gouvernement ferme, à l’armer de ressorts vigoureux, à le mettre en action, à donner à la constitution républicaine l’âme et la vie, sans laquelle elle ne peut rien. – Vous avez enfin à conduire à la pais par la victoire, et à en dicter les conditions à l’Europe.

– Jamais assemblée dans l’univers n’eut à remplir une si noble tâche et à opérer d’aussi grandes choses. – Il faut vous aider de tous les moyens, et vous n’en avez aucun à négliger.

L’un des plus efficace, selon moi, c’est de nous créer, c’est de publier, c’est de faire connaître à la France et à l’Europe les principes qui nous serviront de guides dans le travaille dont nous sommes chargés. Il ne s’agit point ici des droits de l’homme et du citoyen, ils sont proclamés ; il ne s’agit point de la constitution, elle est faite, et nous allons l’animer, la faire vivre et mouvoir.

– Je perle Uniquement des principes de justice et de morale qui doivent diriger les citoyens dans leur conduite, et les législateurs dans leurs décrets. – Il est temps que ces principes ne soient plus un sujet de disputes, et que dans chacune des nos délibérations, nous sachions tous où nous allons et par où il faut marcher.

– Je dis que cet ouvrage est nécessaire à la Convention et à la France ; qu’en ce moment, il est plus nécessaire que dans tout autre ; qu’en ce moment, il est aussi plus facile et plus efficace, et qu’en détruisant les préjugés que les ennemis de la patrie s’efforcent de répandre contre nos vues, en dissipant les défiance qu’ils tâchent de multiplier par d’intarissables calomnies, ce même ouvrage prépare et supplée nos travaux, en attendant leur perfection ; qu’il force en quelque sorte tous les citoyens honnêtes à concourir avec nous ; qu’il est le gage de nos intentions, le modèle de nos délibérations, le fondement de la paix pendant nos discussions, le monument sur lequel nous voulons être jugés ; qu’il nous assure le vœu de nos commettants l’excuse des erreurs où le crime et l’intrigue nous avoient entraînés, et la vénération de l’Europe, dont l’opinion sur notre compte devient nécessaire au bonheur du monde.

J’appellerai le Décret que je vais vous proposer : Déclaration des principes essentiels de l’ordre social et de la république française : je le regarde comme une ligne fortement prononcée qu’il faut absolument tracer d’une main ferme entre le temps du malheur et du crime, et celui de la régénération de l’ordre et du bonheur.

Je m’explique.

La morale est sans doute un ensemble de vérités éternelles qui ne devraient jamais éprouver de contradictions. Mais l’expérience nous a montré que la mauvaise foi l’obscurcit, que la méchanceté la combat, que l’intérêt la rouille. Les vicieux seraient les maîtres du monde, s’ils pouvaient parvenir à la réduire en problème. S’ils y réussissent pendant quelques instants, ils ne peuvent l’étouffer à la longue ; bientôt elle s’éveille avec un éclat tout nouveau ; il faut fixer son empire ; il faut que ses dogmes sacrés soient convertis en articles précis, pour que dans le sénat elles ne soient jamais controversées, pour que dans les assemblées légales, les bons citoyens puissent opposer aux ennemis de la patrie, non un raisonnement qu’ils essaieraient de réfuter, non un sentiment que leur bassesse s’efforcerait de ridiculiser, mais un texte formel qu’il suffira de lire pour les écraser et les confondre. – S’il existe une époque où la nécessité des vérités morales soit fortement sentie, vivement accueillie, profondément empreinte dans les âmes, où elles puissent recevoir l’ineffaçable sceau de la persuasion, et ce caractère de permanence qui en fait la force, qui la répand à jamais et la fond en quelque sorte dans les mœurs publiques ; c’est celle où les plaies faites par le crime et l’immoralité sont toutes saignantes, où le sentiment douloureux et présent des maux que le vice et l’erreur entraînent, fait enfin chercher dans le vertu et la vérité le rafraîchissement et le repos. – Croyez donc que la proclamation que je vous propose, sera, même avant d’entrer en possession du fruit de vos travaux, une consolation pour tous les citoyens, un gage du bonheur, qui nourrira l’espérance, qui tiendra lieu quelques temps de la jouissance même, un principe de terreur et de honte pour les méchants, qui les frappera d’impuissance. Croyez qu’à votre voix, un assentiment général rétablira la morale sur sa base éternelle, et que le vice, ses sophismes, son hypocrisie, ses menées tortueuses, sa cupidité déguisée sous les couleurs du patriotisme, deviendront pour jamais un objet d’exécration et de mépris. – les circonstances ne peuvent être plus propices à faciliter cette grande mesure et à en assurer l’effectivité. Ne serait-ce point d’ailleurs un avantage inappréciable pour la tranquillité et la promptitude de vos délibérations, de posséder des règles certaines d’après lesquelles elles seront toujours dirigées ? Ne serait-ce point un pas de géant vers le bien, d’avoir ôté d’un seul coup, aux systèmes désastreux leurs sophismes, aux mauvaises intentions leurs voiles perfides, à l’erreur ses argumentations captieuses ; d’avoir rendu à la morale naturelle son éclat, son immutabilité, et, si je l’ose dire, son éternité ; de ne pouvoir plus élever de doutes sur ce qui est bon ou mauvais ; d’opposer des articles formellement décrétés, en faveur de l’injustice à l’injuste, de la foi publique au politique infidèle, de l’humanité à l’homme barbare, de l’ordre et de l’économie à l’ami des déprédations, des mœurs au vicieux, de la pais au factieux ! – Alors quelle simplicité dans la discussion des lois, quand le but est connu, quand il est défendu de s’en proposer un autre, il ne s’agit plus de mesurer la ligne qui y mène et de s’assurer qu’on la suit ; la vraie source des débats est tarie ; car presque toujours les esprits faux ou les cœurs gâtés s’attachent à déplacer le bute plus qu’à disputer sur la route à suivre pour l’atteindre.

Une observation non moins importante, c’est que le succès des grandes choses est toujours dans la confiance publique ; aussi tous les mauvais citoyens n’ont jamais travaillé qu’à la faire perdre à la représentation nationale ; Ils y travaillent à chaque instant ; et tel est le but de leurs propos, de leurs fausses nouvelles, de leurs perfides calomnies.

Or, quel est le moyen le plus sûr d’assoir cette confiance sur un fondement indestructible ? c’est de livrer au peuple entier le tableau de vos principes ; c’est de lui dire :

« Voilà ce que nous voulons faire ; voilà les maximes qui présideront à notre conduite ; voilà le modèle auquel nous demandons que nos délibérations soient sans cesse comparées ; voilà enfin ce sur quoi nous consentons à être jugés ».

 

Par cette haute franchise, par cette loyauté imposante, vous anticipez en quelque sorte le bien que vous n’avez pas encore opéré ; et appelant comme en un faisceau les lumières de tous les esprits droits, les sentiments de tous les cœurs purs, vous mettez en quelque sorte le salut public sous la garde de toutes les vertus, et vous faites des gens de bien de la République entière, les coopérateurs de votre grande et dernière opération.

Et que vous dirais-je de l’effet que cette mesure produira dans les assemblées primaire, dans celles de communes et de sections ? Une seule morale, les mêmes principes, une politique uniforme qui se confondra partout avec la justice répandue sur la surface de la République, animerons le langage de tous les orateurs, mettront les plus simples dans la confidence des vraies règles du gouvernement, repousseront les intrigues et les intrigants, dévoueront à la honte les malintentionnés, assureront la prépondérance aux hommes connus pour honnêtes, et écraseront les propositions insidieuses ou immorales sous le poids des articles que vous aurez proclamés en principes. La voix majestueuse de la probité et des mœurs étouffera le cri séditieux de tous ceux qui seraient assez imprudents pour les combattre.

Et, dans l’Europe entière, qu’a-t-on fait pour vous nuire et pour perdre la France et ses représentants ? Une confusion injuste a été jetée entre vos véritables pensées et les effets de la terreur qui vous opprimaient. Les exécrables faits dont vous gémissiez, ont été présentés comme votre ouvrage. La destruction de tout principe de moral a été travestie en un dogme de la Convention française ; et c’est sur vous que la mauvaise foi a fait retomber l’horreur que méritaient vos ennemis. Faites apparaître tout à coup la pureté de vos maximes et de vos intentions. Parlez à tous les peuples le langage de la raison, de la vertu, de la sagesse ; dites : « Voilà ce que nous avons toujours pensé. Et voilà, à l’époque de notre liberté renaissante, comment nous sommes résolus d’agir, comment nous agiront aujourd’hui, demain, jusqu’à la fin de notre mission. » – Que l’humanité entière y reconnaisse les règles éternelles de la morale qui ne change pas, et à l’instant toutes les opinions reviennent à vous ; les cœurs aigris s’adoucissent, les cœurs indignés s’apaisent, la voix publique égarée s’éclaire et se rétracte, et la coalition ennemie perd la plus grande partie de ses forces empruntées du mensonge. Il sera beau, pour triompher de tous les obstacles, de n’avoir qu’à montrer ce que vous êtes.

Je ne sais si je me trompe ; mais la puissance de cette mesure me paraît incalculable, et les effets qu’elle produira vaudront mieux que dix victoires. On sait qu’une bravoure tant de fois signalées, tant de fois heureuse, peut néanmoins fléchir une fois sous la trahison, et quelqu’éloigné que soit de nos pensées un évènement aussi invraisemblable, nos ennemis l’espèrent ; mais on sait aussi que des plans invariables de sagesse, et l’ascendant de la vertu, soutenu du courage et escortés de la confiance, sont invincibles ; et dès que cette idée les frappera, vos ennemis extérieurs tomberont découragés et confondus ; les ennemis du dedans, épouvanté du spectacle de la vertu, périront du même coup.

Dira-t-on qu’une semblable déclaration n’est pas une loi proprement dite ? Non sans doute : mais c’est bien mieux, car c’est une collection des principes féconds qui contiennent en germe toutes les lois, qui sapent par la racine toutes les erreurs sur lesquelles le brigandage et la scélératesse avaient fondé leur empire, qui promettent à la France toutes les institutions utiles, et qui tiendront leurs promesses. – Heureux le pays où l’on essaiera avec fruit d’inviter les citoyens, et où même avant la loi qui contraint, l’invitation seule aura produit l’effet qu’on attend en général de la contrainte seule. Heureux celui où l’on pourra dire : « les législateurs on professé leur doctrine ; ils ont pris l’engagement d’y conformer leur conduite ; cette doctrine seule a entraîné tous les cœurs par la force de la persuasion ; elle a prévenu les lois par l’établissement de la confiance : leur parole a créé l’ordre, comme autrefois la mélodie passait seule pour avoir élevé les villes ».

– Et ce n’est pas là, citoyens, une vraie illusion : les vrais politiques ont toujours fondé la prospérité des sociétés civiles sur la rigoureuse observation de la justice ; il n’y a que cela de bon et de solide, tout le reste n’est que charlatanerie. L’homme de bien, dans sa simplicité, est plus près du but que l’homme d’État qui raffine ses idées. La droiture du cœur inspire sans effort tout ce qui est vraiment utile à l’humanité ; et dans le gouvernement des peuples, la justice et les préceptes de la morale tiennent lieu de génie.

La déclaration des droits de l’homme n’est pas non plus une loi dans le sens qu’on attache à ce mot ; prétendra-t-on qu’elle soit inutile ? la déclaration des principes essentiels de l’ordre social portera les mêmes caractères et les mêmes fruits ; et ce double manifeste des droits et des devoirs du genre humain sera l’un des phénomènes les plus remarquables que la raison et la liberté, en germant et en s’élevant sur le sol de la France, auront fait apparaître parmi les nations anciennes et modernes. – Je n’ai à vous demander grâce que pour la manière dont j’ai tenté l’exécution d’un si beau programme ; mais je le sens, je m’honorerai toujours d’en avoir conçu l’idée.

Déclaration

Des principes essentiels de l’ordre social et de la République.

 

La Convention nationale, considérant

Que les seules bases de l’ordre social et du bonheur public, ce sont les mœurs, les principes et les lois ;

Que les mœurs ne peuvent être le fruit que de l’éducation, des l’instruction, des institutions publiques, des habitudes et du temps ;

Que les lois sages sont le résultat d’une profonde méditation, et que la certitude de leur exécution ne peut être fondée que sur les mœurs ;

Que les principes invariablement posés suppléent, au moins pour un temps, à l’établissement des mœurs et à la perfection des lois ;

Que l’époque à laquelle il est le plus important de proclamer ces principes, c’est celle où l’expérience a démontré les dangers de leur violation ;

Que la même époque est aussi celle où le sentiment douloureux des maux que l’erreur enfante, donne une force irrésistible à la vérité ;

Que si la malveillance et la perfidie s’efforcent de réduire tous les principes en problèmes, l’humanité, le patriotisme et la sagesse doivent se hâter de les mettre à l’abri de toute contestation, et de leur donner enfin une base indestructible ;

Déclare les articles suivants, principes fondamentaux de l’ordre social et de la République française.

ARTICLE PREMIER.

 

Le peuple souverain de France est la collection des citoyens de tous les départements, sans distinction d’état, de profession ou de fortune.

Aucune section ou fraction du peuple, aucun état ou profession, aucune société, assemblée ou attroupement nombreux ou non, ne sont le Peuple français ; et quiconque dit le contraire, est ou imbécile, ou imposteur, ou brigand.

Celui qui parle aux citoyens de leurs vertus sans les avertir de leurs erreurs, ou de leurs droits sans leur rappeler leurs devoirs, est un flatteur qui les trompe, ou un fripon qui les pille, ou un ambitieux qui cherche à les asservir.

Le véritable ami du peuple est celui qui lui adresse courageusement des vérités dures ; c’est lui que le peuple doit chérir, honorer, et préférer dans les élections.

II.

 

L’égalité des droits entre les citoyens est la base essentielle de la république.

L’inégalité entre les talents et la médiocrité, entre l’industrie et l’incapacité, entre l’activité et la paresse, entre l’économie et la prodigalité, entre la sobriété et la tempérance, entre la probité et la friponnerie, entre la vertu et le vice, est dans la république, plus encore que dans le gouvernement, la loi essentielle de la nature et des mœurs.

III.

La liberté d’agir n’étant que le droit de faire ce qui ne nuit pas à autrui, ne peut jamais entraîner l’impunité des actions criminelles.

IV.

 

 

De même la liberté de s’assembler paisiblement n’entraîne pas l’impunité des crimes ou délits commis dans les assemblées.

Le droit de s’organiser, de prendre des arrêtés, n’appartient qu’aux seules assemblées autorisées par la loi, et réunies sous la forme, dans les lieux, aux jours et heures qu’elle a prescrit.

Tout autre rassemblement qui, sous quelque dénomination que ce pût être, se permettrait d’arrêter des délibérations quelconques, n’est qu’un attroupement prohibé ; et si l’on y écoute la proposition de résister à la loi et aux autorités constituées, c’est un attroupement séditieux.

Aucune assemblée illégale, aucun attroupement, aucun mouvement séditieux, ne peuvent être excusés par l’abus des principes sur l’insurrection.

L’insurrection ne pouvant que lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, n’est qu’une rebellion punissable, tant que cette violation de la part du gouvernement n’a pas été formellement reconnue et déclarée par la majorité des assemblées primaires de toute la République, légalement convoquées.

V.

Tout système d’administration ou de législation qui tendrait à soumettre les français au régime de la terreur ; à prescrire, persécuter ou diffamer en masse, des états, professions ou fonctions quelconques ; à établir entre les citoyens que celles des bons et des mauvais ; à nourrir entre eux des sentiments de haine ou de division ; à honorer du nom de patriotes les hommes sans mœurs, sans probité et sans humanité ; à altérer ou corrompre les principes de la morale naturelle : à établir des dénominations, costumes ou signes de ralliement particuliers, est un crime.

Tous discours, écrits, opinions, délibérations, adresses, ou pétitions tendant à l’établissement ou à la propagation de ces systèmes est un crime.

Toute provocation et toute mesure tendant au rétablissement de la royauté, toute insulte aux signes extérieurs et généraux de républicanisme autorisés par la loi, écrits ou pétitions, adresses ou délibérations tendant au même but, sont des crimes.

VI.

Dans toutes les circonstances où l’ordre social, la liberté et la tranquillité publique, la sûreté des personnes ou des propriétés, seront mis en péril par des révoltes et attroupements séditieux, le corps législatif doit ordonner l’emploi de la force, prononcer et faire exécuter sur-le-champ, contre les chefs, quels qu’ils puissent être, toutes les mesures de police et punitions nécessaires pour le salut de la patrie.

Dans le même cas, les autres coupables et complices doivent être traduit sur-le-champ devant le juré d’accusation, et immédiatement après l’accusation admise, jugés par les tribunaux sur la déclaration des jurés de jugement, sans observer les délaits prescrits par la loi pour les délits ordinaires.

Seront observés au surplus toutes les autres règles prescrites par la loi pour les jugements criminels.

Le corps législatif indiquera, à cet effet, tel nombre de tribunaux établis dans la République qui seront par lui jugés nécessaire, pour la célérité de l’exemple.

VII.

La liberté d’écrire, de parler, d’imprimer, d’émettre son opinion ou de faire des adresses et pétitions individuellement signées, n’entraîne pas l’impunité des délits commis par discours, écrits, affiches, cris publics, opinions, adresses et pétitions.

Toute adresse ou pétition portée en masse aux autorités constituées, et présentée par un plus grand nombre de citoyens qu’il n’est permis par la loi, ou sans signatures individuelles, est réputées attroupement prohibé.

Tout discours, adresses, écrits ou pétitions qui tendraient à provoquer la désobéissance à la loi, la résistance à l’ordre public, l’avilissement des autorités, l’attentat aux personnes et aux propriétés, ou quelques unes des cations déclarées crimes ou délits par la loi, sont des crimes.

Les membres des la représentation nationale ne peuvent être recherchés, accusés ni jugés pour raison de ces faits, sur la poursuite d’aucune autorité constituée, mais uniquement en vertu de décret de la représentation elle-même.

À l’égard de tous les citoyens sans distinction, la peine ne pourra être prononcée qu’après qu’un juré légal aura déclaré d’abord que le discours, l’écrit, l’adresse, l’opinion ou la pétition sont fait dans l’intention de provoquer le crime, et ensuite que la personne en est coupable.

VIII.

En ce qui concerne les secours de la République, ils ne peuvent être accordés qu’aux vrais indigents, laborieux, tempérants, économes et probes.

Ils doivent consister principalement en subsistances et autres objets en nature, et pour ceux qui sont en état de travailler, en occasions et moyens de travail.

Les hommes immoraux, indigents ou non, et ceux qui, pouvant travailler, refuseraient de la faire, ne recevront en secours, jusqu’à l’amendement de leur conduite, que le nécessaire le plus étroit et le plus indispensable.

Ceux qui favoriseront la paresse ou le désordre, en faisant donner des secours aux hommes sans vrais besoins ou sans mœurs, en multipliant les emplois inutiles, ou en y plaçant des hommes incapables, en décourageant le travail par des traitements avantageux attribués à des postes oisifs ou inoccupés, seront réputés dilapidateurs des fonds publics, et responsables de leur fausse application.

Ceux qui cherchent à persuader au peuple que les citoyens doivent être nourris aux dépens de la république, sont les ennemis de la vertu, du travail et de la patrie.

IX.

En ce qui concerne les finances publiques,

L’État n’est jamais ruiné par les dépenses indispensables, mais par les dilapidations, par les rapines, la cupidité, le défaut d’ordre, de comptabilité et de publicité.

Sans rien retrancher sur les dépenses nécessaires, elles doivent être soumises à la plus sévère économie.

Nul ne peut créer ou multiplier les emplois et commissions sans l’autorité de la loi ; et le nombre de commissions et d’employés doit être, sans égard pour une fausse humanité, réduit au nombre absolument nécessaire d’hommes doués de probité, de désintéressement, d’intelligence et de capacité, avec un traitement suffisant et modéré.

Tour citoyen qui a pris part à l’administration, doit, à tout moment, se tenir prêt à rendre compte de sa fortune passée et présente.

Les contributions publiques doivent être mesurées sur les dépenses fixes et annuelles de la République, réglées sans épargne et avec économie.

Elles doivent suivre la proportion des revenus qui appartiennent aux contribuables, sans surcharges d’aucune taxe arbitraire, et sans manquer à aucun des engagements qui ont été pris sous la foi publique.

L’ordre le plus clair doit régner dans les recettes et les dépenses de la République. La Comptabilité doit être à jour et rendue publique, ainsi que la fortune de l’État.

La justice, bien plus encore que la richesse, est le salut de la République et le vrai fondement du Crédit national et de la confiance.

X.

Hors le seul cas de précautions forcées et momentanées que peut exiger la subsistance publique dans les temps de crise, et qu’il faut toujours concilier avec le respect pour la propriété et avec la justice, la production, l’industrie, les arts et le commerce doivent être parfaitement libres.

L’encouragement de la production, de l’industrie et du commerce, ainsi que le bonheur du peuple qui y est lié essentiellement, n’ont pour bases solides que cette liberté, l’émulation du succès, la protection publique, les secours accordés aux inventions avantageuses et aux grands établissements, l’ouverture, le nombre et la facilité de communications, l’inviolable sûreté des personnes et des propriétés et l’honneur attaché aux travaux utiles.

Toutes ces corporations ou coalitions, et même toutes délibérations non expressément autorisées par la loi, entre citoyens de même état ou profession, sont prohibées, comme contraire au principe de la liberté.

Les associations intéressées qui tendent à s’emparer d’une sorte de denrée ou de services quelconques, à se les faire vendre exclusivement ou de préférence, à mettre obstacle à la vente que le propriétaire peut en faire à qui et comme lui plait ; à refuser, de concert, la mise en circulation de ses denrées et services, à en faire monter ou descendre le prix, à multiplier les revendeurs intermédiaires entre le vendeur de première main et le consommateur, à empêcher les citoyens de s’occuper du même genre de travail : toutes menaces, réunions ou violences tendant à la même fin, ne sont point un commerce, mais un brigandage. Ce sont des attentats punissables à la liberté et à la fortune publique.

XI.

En ce qui concerne les mœurs,

Le respect pour la vertu, la vieillesse, l’infirmité et la faiblesse, pour le malheur, pour la pauvreté honnête, laborieuse, tempérante et économe, la fraternité mutuelle et la bienveillance envers l’humanité souffrante, sont les principes essentiels de la prospérité de la République.

Les citoyens qui auraient notoirement et publiquement manqué à ces obligations, ceux qui violeraient habituellement les règles de la tempérance, ceux qui négligeront, au vu et au su de leurs concitoyens, les devoir de père, de fils ou d’époux ; ceux qui seraient surpris dans quelques actions contraires, soit à la délicatesse de la probité, soit aux sentiments d’humanité, doivent être fraternellement censurés dans les assemblées légales.

Les vertus et les talents modestes seront déclarés par les bons citoyens, pour être honorés, employés, récompensés, et, s’ils sont dans un vrai besoin, secourus par la République.

Il ne peut pas y avoir de vrai patriotisme sans tempérance, sans mœurs, sans amour du travail, sans probité et sans désintéressement.

La liberté entière sera accordée aux opinions et pratiques religieuses. Les abus qui seraient contraires au principe ci-dessus et à la tranquillité publique, seront surveillés et réprimés par la police.

Les cérémonies, les rites, les fêtes et les calendriers de chaque culte religieux, ne feront jamais partie des institutions publiques, qui n’ont rien de commun avec ces différents cultes.

Tous les citoyens se traiteront en frères, sans égard pour leurs opinions religieuses.

XII.

Les citoyens et les autorités règleront leur conduite sur la présente déclaration de principes.

Ces principes, fondés sur la règle éternelle et indestructible de la morale naturelle, sont à jamais immuables.

Ils guideront invariablement la représentation nationale dans ses décrets, et les autorités constituées dans leurs délibérations.

La présente déclaration sera lue, chaque décade, aux enfants dans les écoles primaires. Elle sera lue en présence des citoyens, dans toutes les assemblées légales. Elle demeurera affichée dans les lieux de séances du corps législatif, des administrations, des tribunaux et des assemblées légales.

La convention nationale ordonne que cette déclaration sera imprimée, affichée et envoyée sur-le-champ aux administrations de département et de district, aux municipalités, aux sections de Paris, aux armées de terre, aux armées navales, pour y être lue, publiée et proclamée solennellement.

DÉCRET du 23 Germinal, an III.

La Convention nationale décrète que le Discours et le projet décret, relatif à une déclaration des principes essentiels de l’ordre social et de la République française, seront imprimés, distribués et renvoyés à la Commission des Sept.