À PARIS,
DE L'IMPRIMERIE NATIONALE
1971. [p.1]
LA CONSTITUTION FRANÇAISE.
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN.
LES Représentans du Peuple François, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics & de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solemnelle, les droits naturels, inaliénables & sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits & leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif & ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées déformais sur des principes [p.2] simples & incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, & au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnoît & déclare, en présence & sous les auspices de l'Être Suprême, les droits suivants de l'Homme & du Citoyen :
Les hommes naissent & demeurent libres & égaux en droits, les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels & imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, & la résistance à l'oppression.
Le principe de route Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes, que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. [p.3]
La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, & nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n'ordonne pas.
La Loi est: l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentans, à fa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places & emplois publics, selon leur capacité, & sans autre distinction que celle de leurs vertus & de leurs talents.
Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, & selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi, doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
La Loi ne doit établir que des peines strictement & évidemment nécessaires, & nul ne peut être puni qu'en [p.4] vertu d'une loi établie & promulguée antérieurement au délit, & légalement appliquée.
Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne seroit pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.
La libre communication des pensées & des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.
La garantie des droits de l'Homme & du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, & non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Pour l'entretien de la force publique, & pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. [p.5]
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentans, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, & d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement & la durée.
La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.
Les propriétés étant un droit inviolable & sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, & sous la condition d'une juste & préalable indemnité.
L'ASSEMBLÉE NATIONALE, voulant établir la Constitution Françoise sur les principes qu'elle vient de reconnoître & de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessoient la liberté & l'égalité des droits. [p.6]
Il n'y a plus ni Noblesse, ni Pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinction d'Ordres, ni régime féodal, ni Justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations & prérogatives qui en dérivoient, ni aucun des Ordres de Chevalerie, corporations ou décorations, pour lesquels on exigeoit des preuves de noblesse, ni aucune autre supériorité, que celle des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions.
Il n'y a plus ni vénalité ni hérédité d'aucun office public.
Il n'y a plus, pour aucune partie de la Nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les François.
Il n'y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts & métiers.
La Loi ne reconnoît plus de vœux religieux, ni aucun autre engagement qui seroit contraire aux droits naturels, ou à la Constitution.
La Constitution garantit, comme droits naturels & civils :
1°. Que tous les citoyens sont admissibles aux places & emplois, sans autre distinction que celle des vertus & des talents. [p.7]
2°. Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens, également, en proportion de leurs facultés.
3°. Que les mêmes délits feront punis des mêmes peines, sans aucune distinction des personnes.
La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels & civils :
La liberté à tout homme d'aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, accusé ni détenu, que dans les cas déterminés par la Loi, & selon les formes qu'elle a prescrites ;
La liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer ses pensées, & d'exercer le culte religieux auquel il est attaché ;
La liberté aux citoyens de s'assembler paisiblement & sans armes, en satisfaisant aux lois de police ;
La liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.
Comme la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui ni à la sûreté publique, la Loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d'autrui, seroient nuisibles à la Société.
La Constitution garantit l'inviolabilité des propriétés, ou la juste & préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigeroit le sacrifice. [p.8]
Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d'utilité publique, appartiennent à la Nation ; ceux qui étoient affectés aux dépenses du culte, sont à sa disposition.
Il sera créé & organisé un établissement général de Secours publics, pour le soulagement des pauvres infirmes, & des pauvres valides manquant de travail.
Il sera créé & organisé une Instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes, & dont les établissements seront distribués graduellement, dans un rapport combiné avec la division du Royaume [p.9]
La France est divisée en quatre-vingt-trois département chaque département en districts, chaque district en cantons.
Sont Citoyens François,
Ceux qui sont nés en France d'un père François;
Ceux qui, nés en France d'un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume ;
Ceux qui, nés en pays étranger d'un père François, sont revenus s'établir en France & ont prêté le serment civique ;
Enfin ceux qui nés en pays étranger, & descendant, à quelque degré que ce soit, d'un François ou d'une Françoise expatriés pour cause de religion, viennent demeurer en France & prêtent le serment civique.
Ceux qui, nés hors du Royaume de pareils étrangers, résident en France, deviennent Citoyens François, après cinq ans de domicile continu dans le Royaume, s'ils y ont en outre acquis des immeubles ou épousé une Françoise, ou formé un établissement : de commerce, & s'ils ont prêté le serment civique. [p.10]
Le Pouvoir législatif pourra, pour des considérations importantes, donner à un étranger un acte de naturalisation, sans autres conditions que de fixer son domicile en France, & d'y prêter le serment civique.
Le serment civique est : Je jure d'être fidèle à la Nation, à la Loi, & au Roi ; & de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du Royaume, décrétée par l'Assemblée Nationale Constituante aux années 1789, 1790, & 1791.
La qualité de Citoyen françois se perd,
1°. Par la naturalisation en pays étranger ;
2°. Par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, tant que le condamné n'est pas réhabilité ;
3°. Par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti ;
4°. Par l'affiliation à tout ordre ou corps étranger qui supposeroit des preuves de noblesse.
Les Citoyens françois, considérés sous le rapport des relations locales, qui naissent de leur réunion dans les villes & dans de certains arrondissemens du territoire des campagnes, forment les Communes.
Le Pouvoir législatif pourra fixer l'étendue de l'arrondissement de chaque commune. [p.11]
Les citoyens qui composent chaque commune, ont le droit d'élire à temps, suivant les formes déterminées par la Loi, ceux d'entr'eux qui, sous le titre d'Officiers municipaux, sont chargés de gérer les affaires particulières de la commune.
Il pourra être délégué aux Officiers municipaux quelques fonctions relatives à l'intérêt général de l'État.
Les règles que les Officiers municipaux seront tenus de suivre dans l'exercice, tant des fonctions municipales que de celles qui leur auront été déléguées pour l'intérêt général, seront fixées par les Lois. [p.12]
La Souveraineté est une, indivisible, & appartient à la Nation ; aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice.
La Nation, de qui seule émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation.
La Constitution françoise est représentative: les représentans sont le Corps législatif & le Roi.
Le Pouvoir législatif est délégué à une Assemblée Nationale composée de représentans temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du Roi, de la manière qui sera déterminée ci-après.
Le gouvernement est monarchique: le Pouvoir exécutif est délégué au Roi, pour être exercé sous son autorité, par des ministres & autres agent responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après. [p.13]
Le Pouvoir judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple.
L'Assemblée Nationale, formant le Corps législatif, est permanente, & n'est composée que d'une chambre.
Elle sera formée tous les deux ans par de nouvelles élections.
Chaque période de deux années formera une législature.
Le renouvellement du Corps législatif se fera de plein droit.
Le Corps législatif ne pourra pas être dissous par le Roi. [p.14]
Le nombre des représentans au Corps législatif est de sept cent quarante-cinq, à raison des quatre-vingt-trois départemens dont le Royaume est composé; & indépendamment de ceux qui pourroient être accordés aux colonies.
Les représentans seront distribués entre les quatre-vingt-trois départemens, selon les trois proportions du territoire, de la population, & de la contribution directe.
Des sept cent quarante-cinq représentans, deux cent quarante-sept sont attachés au territoire.
Chaque département en nommera tro;s, à l'exception du Département de Paris, qui n'en nommera qu'un.
Deux cent quarante-neuf représentans sont attribués à la population.
La masse totale de la population active du Royaume est divisée en deux cent quarante-neuf parts, & chaque département nomme autant de députés qu'il a de parts de population. [p.15]
Deux cent quarante-neuf représentans sont attachés à la contribution directe. La somme totale de la contribution directe du Royaume est de même divisée en deux cent quarante-neuf parts, & chaque département nomme autant de députés qu'il paye de parts de contribution.
Lorsqu'il s'agira de former l'Assemblée nationale législative, les citoyens actifs se réuniront en assemblées primaires dans les villes et dans les cantons.
Pour être citoyen actif a il faut Être François, ou devenu François ; Être âgé de 25 ans accomplis;
Être domicilié dans la ville ou dans le canton, au moins depuis un an ;
Payer, dans un lieu quelconque du Royaume 5 une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail, & en représenter la quittance;
N'être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire, de serviteur à gages ; [p.16]
Être inscrit dans la municipalité de son domicile, au rôle des gardes nationales ;
Avoir prêté le serment civique.
Tous les six ans, le Corps législatif fixera le minimum & le maximum de la valeur de la journée de travail, & les Administrateurs des départemens en seront la détermination locale pour chaque district.
Nul ne pourra exercer les droits de citoyen actif dans plus d'un endroit, ni se faire représenter par un autre.
Sont exclus de l'exercice des droits de citoyen actif,
Ceux qui font en état d'accusation;
Ceux qui après avoir été constitués en état de faillite ou d'insolvabilité, prouvé par pièces authentiques, ne rapportent pas un acquit général de leurs créanciers.
Les Assemblées primaires nommeront des électeurs, en proportion du nombre des citoyens actifs domiciliés dans la ville ou le canton.
Il fera nommé un électeur à raison de cent citoyens actifs présents, ou non, à l'Assemblée.
Il en fera nommé deux depuis 151 jusqu'à 250, & ainsi de suite. [p.17]
Nul ne pourra être nommé électeur, s'il ne réunit aux conditions nécessaires pour être citoyen actif, celle de payer une contribution directe de journées de travail.[1]
Les électeurs nommés en chaque département se réuniront, pour élire le nombre des représentans dont la nomination sera attribuée à leur département, & un nombre de suppléans égal au tiers de celui des représentans.
Les représentans & les suppléans seront élus à la pluralité absolue des suffrages.
Tous les citoyens actifs, quelque soit leur état, profession ou contribution, pourront être choisis pour représentans de la Nation. [p.18]
Seront néanmoins obligés d'opter, les ministres, & les autres agens du pouvoir exécutif, révocables à volonté, les commissaires de la Trésorerie Nationale, les percepteurs & receveurs des contributions directes, les préposés à la perception & à la régie des contributions indirectes, & ceux qui, sous quelque dénomination que ce soit, sont attachés à des emplois de la maison domestique du Roi.
L'exercice des fonctions municipales, administratives, & judiciaires sera incompatible avec celle de Représentant de la Nation, pendant toute la durée de la Législature.
Les membres du Corps législatif pourront être réélus à la législature suivante, & ne pourront l'être ensuite qu'après un intervalle de deux années[2].
Les représentans nommés dans les départemens, ne seront pas représentans d'un département particulier, mais de la Nation entière ; & la liberté de leurs opinions ne pourra être gênée par aucun mandat, soit des assemblées primaires, soit des électeurs. [p.19]
Les fonctions des assemblées primaires & électorales se bornent à élire ; elles se sépareront aussitôt après les élections faites, & ne pourront se former de nouveau que lorsqu'elles seront convoquées.
Nul citoyen actif ne peut entrer ni donner son suffrage dans une assemblée, s'il est armé ou vêtu d'un uniforme, à moins qu'il ne soit de service; auquel cas, il pourra voter en uniforme, mais sans armes.
La force armée ne pourra être introduite dans l'intérieur, sans le vœu exprès de l'Assemblée, si ce n'est qu'on y commît des violences; auquel cas, l'ordre du président suffira pour appeler la force publique.
Tous les deux ans il sera dressé, dans chaque district, des listes, par cantons, des citoyens actifs, & la liste de chaque canton y sera publiée & affichée deux mois avant l'époque de l'assemblée primaire. [p.20]
Les réclamations qui pourront avoir lieu, soit pour contester la qualité des citoyens employés sur la liste, soit de la part de ceux qui se prétendront omis injustement, seront portées aux tribunaux pour y être jugées sommairement.
La liste servira de règle pour l'admission des citoyens dans la prochaine assemblée primaire, en tout ce qui n'aura pas été rectifié par des jugements rendus avant la tenue de l'assemblée.
Les assemblées électorales ont le droit de vérifier la qualité & les pouvoirs de ceux qui s'y présenteront, & leurs décisions seront exécutées provisoirement, sauf le jug
ement du Corps législatif, lors de la vérification des pouvoirs des Députés.
Dans aucun cas & sous aucun prétexte, le Roi, ni aucun des agens nommés par lui, ne pourront prendre connoissance des questions relatives à la régularité des convocations, à la tenue des assemblées, à la forme des élections, ni aux droits politiques des Citoyens. [p.21]
Les représentans se réuniront le premier lundi du mois de mai, au lieu des séances de la dernière législature.
Ils se formeront provisoirement, sous la présidence du doyen d'âge, pour vérifier les pouvoirs des représentans présents.
Dès qu'ils seront au nombre de trois cent soixante-treize membres vérifiés, ils se constitueront sous le titre d'Assemblée Nationale Législative : elle nommera un Président, un Vice-Président & des Secrétaires, & commencera l'exercice de ses fonctions.
Pendant tout le cours du mois de mai, si le nombre des représentans présens est au-dessous de trois cent soixante-treize, l'Assemblée ne pourra faire aucun acte législatif.
Elle pourra prendre un arrêté pour enjoindre aux membres absens, de se rendre à leurs fonctions dans le [p.22] délai de quinzaine au plus tard, à peine de 3000 livres d'amende, s'ils ne proposent pas une excuse qui soit jugée légitime par le Corps législatif.
Au dernier jour de mai, quelque soit le nombre des membres présens, ils se constitueront en Assemblée Nationale Législative.
Les représentans prononceront tous ensemble, au nom du peuple françois, le serment de vivre libre ou mourir.
Ils prêteront ensuite individuellement le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume décrétée par l'Assemblée Nationale Constituante, aux années 1789, 1790 & 1791, de ne rien proposer ni consentir dans le cours de la Législature, qui puisse y porter atteinte, & d'être en tout fidèles a la Nation, à la Loi & au Roi.
Les Représentans de la Nation sont inviolables : ils ne pourront être recherchés, accusés ni jugés en aucun tems, pour ce qu'ils auront dit, écrit, ou fait dans l'exercice de leurs fonctions de représentans.
Ils pourront, pour fait criminel, être saisis en flagrant délit, ou en vertu d'un mandat d'arrêt, mais il en sera [p.23] donné, sans délais au corps législatif ; & la poursuite ne pourra être continuée, qu’après que le Corps législatif aura décidé qu’il y a lieu à accusation.
La Royauté est indivisible, & déléguée héréditairement à la race régnante de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes & de leur descendance.
(Rien n'est préjugé sur l'effet des renonciations, dans la race actuellement régnante.)
La personne du Roi est inviolable & sacrée; son seul titre est Roi des François.
Il n'y a point en France d'autorité supérieure à celle de la Loi. Le Roi ne règne que par elle, & ce n'est qu'au nom de la Loi qu'il peut exiger l'obéissance. [p.24]
Le Roi, à son avènement au trône, ou dès qu'il aura atteint sa majorité, prêtera à la nation, en présence du Corps législatif, le serment d'employer tout le pouvoir qui lui est délégué et à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale Constituante, aux années 1789, 1790 & 1791, & à faire exécuter les lois.
Si le Corps législatif n'étoit pas rassemblé, le Roi fera publier une proclamation, dans laquelle seront exprimés ce serment & la promesse de le réitérer aussitôt que le Corps législatif sera réuni.
Si le Roi refuse de prêter ce serment, après l'invitation du Corps législatif, ou si, après l'avoir prêté, il le rétracte, il sera censé avoir abdiqué la Royauté.
Si le Roi se met à la tête d'une armée & en dirige les forces contre la nation, ou s'il ne s'oppose pas par un acte formel à une telle entreprise, qui s'exécuteroit en son nom, il fera censé avoir abdiqué. [p.25]
Si le Roi sort du Royaume, & si, après avoir été invité par une proclamation du Corps législatif, il ne rentre pas en France, il sera censé avoir abdiqué.
Après l'abdication expresse ou légale, le Roi sera dans la classe des citoyens, & pourra être accusé & jugé comme eux, pour les actes postérieurs à son abdication.
Les biens particuliers que le Roi possède à son avènement au trône, sont réunis irrévocablement au domaine de la Nation ; il a la disposition de ceux qu'il acquiert à titre Singulier ; s'il n'en a pas disposé, ils sont pareillement réunis à la fin du règne.
La Nation pourvoit à la splendeur du trône par une liste civile, dont le corps législatif déterminera la somme, à chaque changement de règne, pour toute la durée du règne.
Le Roi nommera un administrateur de la liste civile, qui exercera les actions judiciaires du Roi, & contre lequel personnellement les poursuites des créanciers de la liste civile seront dirigées, & les condamnations prononcées & exécutées. [p.26]
Le Roi est mineur jusqu'à l'âge de 18 ans accomplis; & pendant fa minorité, il y a un régent du royaume.
La régence appartient au parent du Roi, le plus proche en degré suivant l'ordre de l'hérédité au trône, & âgé de 25 ans accomplis ; pourvu qu'il soit François & regnicole, qu'il ne soit pas héritier présomptif d'une autre couronne, & qu'il ait précédemment prêté le serment civique.
Les femmes font exclues de la régence.
Le régent exerce jusqu'à la majorité du Roi, toutes les fonctions de la royauté, & n'est pas personnellement responsable les actes de son administration.
Le régent ne peut commencer l'exercice de ses fonctions, qu'après avoir prêté à la Nation, en présence du Corps législatif, le serment d'employer tout le pouvoir délégué au Roi, & dont l'exercice lui est confié pendant la minorité [p.27] du Roi, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale Constituante, aux années 1789, 1790 & 1791, & à faire exécuter les lois.
Si le Corps législatif n'est pas assemblé, le régent fera publier une proclamation, dans laquelle seront exprimés ce serment & la promesse de le réitérer aussitôt que le Corps législatif sera réuni.
Tant que le régent n'est pas entré en exercice de ses fonctions, la sanction des lois demeure suspendue ; les ministres continuent de faire, sous leur responsabilité, tous les actes du pouvoir exécutif.
Aussitôt que le régent aura prêté le serment, le Corps législatif déterminera son traitement, lequel ne pourra être changé pendant la durée de la régence.
La régence du royaume ne confère aucun droit sur la personne du roi mineur.
La garde du Roi mineur sera confiée à sa mère ; & s'il n'a pas de mère, ou si elle est: remariée, au tems de l'avénement de son fils au trône, ou si elle se remarie pendant la minorité, la garde fera déférée par le Corps législatif. [p.28]
Ne peuvent être élus pour la garde du roi mineur, ni le régent & ses descendans, ni les femmes.
En cas de démence du roi, notoirement reconnue, légalement constatée, & déclarée par le Corps législatif après trois délibérations successivement prises de mois en mois, il y a lieu à la régence, tant que la démence dure.
L'héritier présomptif portera le nom de Prince Roval. Il ne peut sortir du royaume, sans un décret du Corps législatif, & le consentement du roi.
S'il en est sorti, & si, après avoir été requis par une proclamation du Corps législatif, il ne rentre pas en France, il est censé avoir abdiqué le droit de succession au trône.
Si l'héritier présomptif est mineur, le parent majeur, premier appelé à la régence, est tenu de résider dans le royaume.
Dans le cas où il en seroit sorti, & n'y rentreroit pas sur la réquisition du Corps législatif, il sera censé avoir abdiqué son droit à la régence. [p.29]
La mère du roi mineur ayant sa garde, ou le gardien élu, s'ils sortent du royaume, font déchus de la garde.
Si la mère de l'héritier présomptif mineur, sortoit du royaume, elle ne pourroit, même après son retour, avoir la garde de son fils mineur devenu roi, que par un décret du Corps législatif.
Les autres membres de la famille du Roi ne sont soumis qu'aux lois communes à tous les citoyens.
Il sera fait une loi pour régler l'éducation du Roi mineur, & celle de l'héritier présomptif mineur.
Il ne sera accordé aux membres de la famille royale aucun apanage réel.
Les fils puinés du Roi recevront à l'âge de 25 ans accomplis, ou lors de leur mariage, une rente apanagère, laquelle sera fixée par le Corps législatif, & finira à l'extinction de leur postérité masculine. [p.30]
Au Roi seul appartiennent le choix & la révocation des ministres.
Aucun ordre du Roi ne peut être exécuté, s'il n'est signé par lui & contre-signé par le ministre ou l'ordonnateur du département.
Les ministres sont responsables de tous les délits par eux commis contre la sûreté nationale & la Constitution ;
De tout attentat à la propriété & à la liberté individuelles ;
De toute dissipation des deniers destinés aux dépenses de leur département.
En aucun cas, l'ordre du Roi, verbal ou par écrit, ne peut soustraire un ministre à la responsabilité.
Les ministres sont tenus de présenter chaque année au Corps législatif, à l'ouverture de la section, l'apperçu [p.31] des dépenses de leur département, de rendre compte de l'emploi des sommes qui y étoient destinées, & d'indiquer les abus qui auroient pu s'introduire dans les différentes parties du gouvernement.
Aucun ministre en place ou hors de place, ne peut être poursuivi en matière criminelle pour fait de son administration, sans un décret du Corps législatif.
La Constitution délègue exclusivement au Corps législatif les pouvoirs & fonctions ci-après ;
1°. De proposer & décréter les lois: le Roi peut seulement inviter le Corps législatif à prendre un objet en considération ;
2°. De fixer les dépenses publiques ;
3°. D'établir les contributions publiques, d'en déterminer la nature, la quotité, & le mode de perception; [p.32]
4°. D'en faire la répartition entre les Départemens du royaume, d'en surveiller l'emploi & de s'en faire rendre compte ;
5°. De décréter la création ou la suppression des offices publics ;
6°. De déterminer le titre, l'empreinte & la dénomination des monnoies;
7°. De permettre ou de défendre l'introduction des troupes étrangères sur le territoire françois, & des forces navales étrangères dans les ports du royaume;
8° De statuer annuellement, après la proposition du Roi, sur le nombre d'hommes, & de vaisseaux, dont les armées de terre & de mer seront composées ; sur la solde & le nombre d'individus de chaque grade; sur les règles d'admission & d'avancement, les formes de l'enrôlement & du dégagement, la formation des équipages de mer ; sur l'admission des troupes ou des forces navales étrangères, au service de France, & sur le traitement des troupes en cas de licenciement ;
9°. De statuer sur l'administration, & d'ordonner l'aliénation des domaines nationaux ;
1o°. De poursuivre devant la Haute Cour nationale la responsabilité des ministres, & des agens principaux du pouvoir exécutif;
D'accuser & de poursuivre, devant la même Cour, ceux qui seront prévenus d'attentat & de complot contre la sûreté générale de l'État, ou contre la Constitution.
11°. D'établir les règles d'après lesquelles les marques [p.33] d'honneur ou décorations purement personnelles seront accordées à ceux qui ont rendu des services à l'État.
12°. Le Corps législatif a seul le droit de décerner les honneurs posthumes à la mémoire des grands hommes.
La guerre ne peut être décidée que par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition formelle & nécessaire du Roi, & sanctionné par lui.
Dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir ou d'un droit à conserver par la force des armes, le Roi en donnera, sans aucun délai, la notification au Corps législatif, & en fera connoître les motifs.
Si le Corps législatif décide que la guerre ne doive pas être faite, le Roi prendra sur-le-champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toutes hostilités, les ministres demeurant responsables des délais.
Si le Corps législatif trouve que les hostilités commencées soient une agression coupable de la part des ministres ou de quelqu'autre agent du pouvoir exécutif, l'auteur de l'agression sera poursuivi criminellement.
Pendant tout le cours de la guerre, le Corps législatif peut réquérir le Roi de négocier la paix, & le Roi est tenu de déférer à cette réquisition.
A l'instant où la guerre cessera, le Corps législatif fixera le délai dans lequel les troupes élevées au-dessus [p.34] du pied de paix, seront congédiées, & l'armée réduite à son état ordinaire.
Il appartient au Corps législatif de ratifier les traités de paix, d'alliance & de commerce ; & aucun traité n'aura d'effet que par cette ratification.
Le Corps législatif a le droit de déterminer le lieu de ses séances, de les continuer autant qu'il le jugera nécessaire, & de s'ajourner: au commencement de chaque règne, s'il n'étoit pas réuni, il sera tenu de se rassembler sans délai.
Il a le droit de police dans le lieu de ses séances & dans l'enceinte extérieure qu'il aura déterminée.
Il a le droit de discipline sur ses membres ; mais il ne peut prononcer de punition plus forte que la censure, les arrêts pour huit jours, ou la prison pour trois jours.
Il a le droit de disposer, pour sa sûreté & pour le maintien du respect: qui lui est dû, des forces qui, de son consentement, seront établies dans la ville où il tiendra ses séances.
Le pouvoir exécutif ne peut faire passer ou séjourner aucun corps de troupes de ligne, dans la distance de trente mille toises du Corps législatif, si ce n'est sur sa réquisition ou sur son autorisation. [p.35]
Les délibérations du Corps législatif seront publiques, & les procès-verbaux de ses séances seront imprimés.
Le Corps législatif pourra cependant, en toute occasion, se former en Comité général.
Cinquante membres auront le droit de l'exiger.
Pendant la durée du Comité général, les assistans se retireront, le fauteuil du président sera vacant, l'ordre sera maintenu par le vice-président.
Le décret ne pourra être rendu que dans une séance publique.
Aucun acte législatif ne pourra être délibéré & décrété que dans la forme suivante.
Il fera fait trois lectures du projet de décret, à trois [p.36] intervalles, donc chacun ne pourra être moindre de huit jours.
La discussion sera ouverte après chaque lecture, & néanmoins après la première ou seconde lecture, le Corps législatif pourra déclarer qu'il y a lieu à l'ajournement, ou qu'il n'y a pas lieu à délibérer ; dans ce dernier cas le projet de décret pourra être représenté dans la même section.
Après la troisième lecture, le président. sera tenu de mettre en délibération, & le Corps législatif décidera s'il se trouve en état de rendre un décret définitif, ou s'il veut renvoyer la décision à un autre temps, pour recueillir de plus amples éclaircissemens.
Le Corps législatif ne peut délibérer, si la séance n'est composée de 100 membres au moins, & aucun décret ne sera formé que par la pluralité absolue des suffrages.
Tout projet de loi qui, soumis à la discussion, aura été rejeté après la troisième lecture, ne pourra être représenté dans la même session.
Le préambule de tout décret définitif énoncera, 1°. Les [p.37] dates des séances auxquelles les trois lectures du projet auront été faites ; 2°. le décret par lequel il aura été arrêté, après la troisième lecture, de décider définitivement.
Le Roi refusera sa sanction aux décrets dont le préambule n'attestera pas l'observation des formes ci-dessus ; si quelqu'un de ces décrets étoit sanctionné, les ministres ne pourront le sceller ni le promulguer, & leur responsabilité à cet égard durera six années.
Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les décrets reconnus & déclarés urgens par une délibération préalable du Corps législatif ; mais ils peuvent être modifiés ou révoqués dans le cours de la même session.
Les décrets du Corps législatif sont présentés au Roi, qui peut leur refuser son consentement.
Dans le cas où le Roi refuse son consentement, ce refus n'est que suspensif. [p.38]
Lorsque les deux législatures qui suivront celle qui aura présenté le décret, auront successivement représenté le même décret dans les mêmes termes, le Roi sera censé avoir donné la sanction.
Le consentement du Roi est exprimé sur chaque décret par cette formule signée du Roi : le Roi consent & fera exécuter.
Le refus suspensif est exprimé par celle-ci : le Roi examinera.
Le Roi est tenu d'exprimer son consentement ou son refus sur chaque décret, dans les deux mois de la présentation ; & ce délai passé, son silence est réputé refus.
Tout décret auquel le Roi a réfusé son consentement ne peut lui être représenté par la même législature.
Le Corps législatif ne peut inférer dans les décrets portant établissement ou continuation d'impôts, aucune disposition qui leur soit étrangère, ni présenter en même temps à la sanction d'autres décrets comme inséparables. [p.39]
Les décrets sanctionnés par le Roi, & ceux qui lui auront été présentés par trois législatures consécutives, ont seuls force de loi, & portent le nom & l'intitulé de lois.
Ne sont néanmoins sujets à la sanction les actes du Corps législatif, concernant sa constitution en assemblée délibérante ;
Sa police intérieure ;
La vérification des pouvoirs de ses membres présens;
Les injonctions aux membres absens;
La convocation des assemblées primaires en retard;
L'exercice de la police constitutionnelle sur les administrateurs ;
Les questions soit d'éligibilité, soit de validité des élections.
Ne sont pareillement sujets à la sanction les actes relatifs a la responsabilité des ministres, & tous décrets portant qu'il y a lieu à accusation.
Lorsque le Corps législatif est définitivement constitué, [p.40] il envoye au Roi une députation pour l'en instruire. Le Roi peut chaque année faire l'ouverture de la section, & proposer les objets qu'il croit devoir être pris en considération pendant le cours de cette session, sans néanmoins que cette formalité puisse être considérée comme nécessaire à l'activité du Corps législatif.
Lorsque le Corps législatif veut s'ajourner au-delà de quinze jours, il est tenu d'en prévenir le Roi par une députation, au moins huit jours d'avance.
Huitaine au moins avant la fin de chaque session, le Corps législatif envoye au Roi une députation, pour lui annoncer le jour où il se propose de terminer ses séances: le Roi peut venir faire la clôture de la session.
Si le Roi trouve important au bien de l'État que la session soit continuée, ou que l'ajournement n'ait pas lieu, ou qu'il n'ait lieu que pour un temps moins long, il peut à cet effet envoyer un message, sur lequel le Corps législatif est tenu de délibérer.
Le Roi convoquera le Corps législatif, dans l'intervalle de ses sessions, toutes les fois que l'intérêt de l'État lui [p.41] paroîtra l'exiger, ainsi que dans les cas que le Corps législatif aura prévus & déterminés, avant de s'ajourner.
Toutes les fois que le Roi se rendra au lieu des séances du Corps législatif, il sera reçu & reconduit par une députation ; il ne pourra être accompagné dans l'intérieur de la salle que par les Ministres.
Dans aucun cas, le président ne pourra faire partie d'une députation.
Le Corps législatif cessera d'être corps délibérant, tant que le Roi fera présent.
Les a&es de la correspondance du Roi avec le Corps législatif, seront toujours contre-signés par un ministre.
Les Ministres du Roi auront entrée dans l'Assemblée nationale législative, ils y auront une place marquée; ils seront entendus sur tous les objets sur lesquels ils demanderont à l'être, & toutes les fois qu'ils seront requis de donner des éclaircissemens. [p.42]
Le Pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du Roi.
Le Roi est le chef suprême de l'administration générale du royaume : le soin de veiller au maintien de l'ordre & de la tranquillité publique lui est confié.
Le Roi est le chef suprême de l'armée de terre & de l'armée navale.
Au Roi est délégué le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, d'en maintenir les droits & les possessions.
Le Roi nomme les ambassadeurs, & les autres agens des négociations politiques.
Il confère le commandement des armées & des flottes, & les grades de Maréchal de France & d'Amiral.
Il nomme les deux tiers des Contre-Amiraux, la moitié des lieutenans-généraux, maréchaux-de-camps, capitaines de vaisseaux, & colonels de la gendarmerie nationale.
Il nomme le tiers des colonels & des lieutenans-colonels, & le sixième des lieutenans de vaisseaux:
Le tout en se conformant aux loix sur l'avancement. [p.43]
Il nomme, dans l'administration civile de la marine, les ordonnateurs, les contrôleurs, les trésoriers des arsenaux, les chefs des travaux, sous-chefs des bâtimens civils, la moitié des chefs d'administration & des fous-chefs de construction.
Il nomme les commissaires auprès des tribunaux.
Il nomme les commissaires de la trésorerie nationale, & les préposés en chef à la régie des contributions indirectes.
Il surveille la fabrication des monnoies, & nomme les officiers chargés d'exercer cette surveillance dans la commission générale, & dans les hôtels des monnoies.
L'effigie du Roi est empreinte sur toutes les monnoies du royaume.
Le Roi fait délivrer les lettres-patentes, brevets, & commissions aux fonctionnaires publics qui doivent en recevoir.
Le Roi fait dresser la liste des pensions & gratifications, pour être présentée au Corps législatif à chacune de ses sessions. [p.44]
Le Pouvoir exécutif est chargé de faire sceller les lois du sceau de l'État, & de les faire promulguer.
Il sera fait deux expéditions originales de chaque loi, toutes deux signées du Roi, contre-signées par le Ministre de la Justice, & scellées du sceau de l'État.
L'une restera déposée aux archives du sceau, & l'autre sera remise aux archives du Corps législatif.
La promulgation des lois sera ainsi conçue, « N. (le nom du Roi) par la grâce de Dieu, & par la loi constitutionnelle de l'État, Roi des François ; à tous présens & venir, Salut. L'Assemblée Nationale a décrété, & Nous voulons & ordonnons ce qui suit : »
(La copie littérale du décret, sera insérée sans aucun changement).
« Mandons & ordonnons à tous les corps administratifs, & tribunaux, que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier & afficher dans leurs départemens & ressorts respectifs, & exécuter [p.45] comme loi du royaume : en foi de quoi, nous avons signé ces présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'État ».
Si le Roi est mineur, les lois, proclamations & autres actes émanés de l'autorité royale pendant la Régence, seront conçues ainsi qu'il suit :
« N. (le nom du Régent) Régent du royaume, au nom de N. (le nom du Roi) par la grâce de Dieu, & par la loi constitutionnelle de l'État, Roi des François, &c. &c. &c. »
Le Pouvoir exécutif est tenu d'envoyer les lois aux corps administratifs & aux tribunaux, de se faire certifier cet envoi, & d'en justifier au Corps législatif.
Le Pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'exécution.
Il y a dans chaque département une administration [p.46] supérieure, & dans chaque district une administration subordonnée.
Les administrateurs n'ont aucun caractère de représentation.
Ils sont des agens élus à temps par le peuple, pour exercer, sous la Surveillance & l'autorité du roi, les fonctions administratives.
Ils ne peuvent rien entreprendre sur l'ordre judiciaire, ni sur les dispositions ou opérations militaires.
Il appartient au Pouvoir législatif de déterminer l'étendue & les règles de leurs fonctions.
Le Roi a le droit d'annuller les actes des administrateurs de département, contraires aux lois ou aux ordres qu'il leur aura adressés.
Il peut, dans le cas d'une désobéissance persévérante, ou s'ils compromettent par leurs actes la sûreté ou la tranquillité publique, les suspendre de leurs fonctions.
Les administrateurs de département ont de même le [p.47] droit d'annuller les actes des sous-administrateurs de district, contraires aux lois ou aux arrêtés des administrateurs de département, ou aux ordres que ces derniers leur auront donnés ou transmis.
Ils peuvent également, dans le cas d'une désobéissance persévérante des sous-administrateurs, ou si ces derniers compromettent par leurs actes la sûreté ou la tranquillité publique, les suspendre de leurs fonctions, à la charge d'en instruire le Roi, qui pourra lever ou confirmer la suspension.
Le Roi peut, lorsque les administrateurs de département n'auront pas usé du pouvoir qui leur est délégué dans l'article ci-dessus, annuller directement les actes des sous-administrateurs, & les suspendre dans les mêmes cas.
Toutes les fois que le Roi aura prononcé ou confirmé la suspension des administrateurs ou sous-administrateurs, il en instruira le Corps législatif.
Celui-ci pourra ou lever la suspension, ou la confirmer, ou même dissoudre l'administration coupable ; & s'il y a lieu, renvoyer tous les administrateurs ou quelques-uns d'eux aux tribunaux criminels, ou porter contre eux le décret d'accusation. [p.48]
Le Roi seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations, faire des préparatifs de guerre proportionnés, à ceux des états voisins, distribuer les forces de terre & de mer, ainsi qu'il le jugera convenable, & en régler la direction en cas de guerre.
Toute déclaration de guerre sera faite en ces termes : De la part du Roi des François, au nom de la nation.
Il appartient au Roi d'arrêter & de signer avec toutes les puissances étrangères, tous les traités de paix, d'alliance & de commerce, & autres conventions qu'il jugera nécessaires au bien de l'État, sauf la ratification du Corps législatif.
Le Pouvoir judiciaire ne peut, en aucun cas, être exercé, ni par le Corps législatif, ni par le Roi. [p.49]
La justice sera rendue gratuitement par des juges élus à temps par le peuple, institués par lettres-patentes du Roi, & qui ne pourront être, ni destitués que pour forfaiture duement jugée, ni suspendus que par une accusation admise.
Les tribunaux ne peuvent, ni s'immiscer dans l'exercice du Pouvoir législatif, ou suspendre l'exécution des lois, ni entreprendre sur les fonctions administratives, ou citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Les citoyens ne peuvent être distraits des juges que la loi leur assigne, par aucune commission, ni par d'autres attributions & évocations que celles qui sont déterminées par les lois.
Les expéditions exécutoires des jugemens des tribunaux seront conçues ainsi qu'il suit :
« N. (le nom du Roi) par la grâce de Dieu, & par la loi constitutionnelle de l'État, Roi des François ; à tous présens & à venir, Salut : le tribunal de … a rendu le jugement suivant :
(Ici sera copié le jugement) Mandons & ordonnons à tous huissiers sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, à nos commissaires [p.50] auprès des tribunaux d'y tenir la main, & à tous commandans & officiers de la force publique, de prêter main-forte, lorsqu'ils en seront légalement requis : en foi de quoi le présent jugement a été scellé, & signé par le président du tribunal & par le greffier ».
Il y aura un ou plusieurs juges-de-paix dans les cantons & dans les villes. Le nombre en fera déterminé par le Pouvoir législatif.
Il appartient au Pouvoir législatif de régler les arrondissemens des tribunaux, & le nombre des juges dont chaque tribunal sera composé.
En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le Corps législatif dans les cas où il lui appartient de poursuivre l'accusation.
Après l'accusation admise, le fait sera reconnu & déclaré par des jurés.
L'accusé aura la faculté d'en récuser jusqu'à vingt.
Les jurés qui déclareront le fait, ne pourront être au-dessous du nombre de douze.
L'application de la loi fera faite par des juges.
L'instruction sera publique. [p.51]
Tout homme acquitté par un juré légal, ne peut plus être repris ni accusé à raison du même fait.
II y aura pour tout le royaume un seul Tribunal de cassation, établi auprès du Corps législatif. Il aura pour fonctions de prononcer,
Sur les demandes en cassation contre les jugemens rendus en dernier ressort par les tribunaux;
Sur les demandes en renvoi d'un tribunal à un autre, pour cause de suspicion légitime ;
Sur les réglemens de juges & les prises à partie contre un tribunal entier.
Le Tribunal de cassation ne pourra jamais connoître du fonds des affaires ; mais, après avoir cassé le jugement qui aura été rendu sur une procédure dans laquelle les formes auront été violées, ou qui contiendra une contravention expresse à la loi, il renverra le fond du procès au tribunal qui doit en connoître.
Lorsqu'après deux cassations, le jugement du troisième tribunal sera attaqué par les mêmes moyens que les deux premiers, la question ne pourra plus être agitée au Tribunal de cassation, sans avoir été soumise au Corps législatif, qui portera un décret déclaratoire de la loi auquel le Tribunal de cassation sera tenu de se conformer. [p.52]
Chaque année, le Tribunal de cassation sera tenu d'envoyer à la barre du Corps législatif une députation de huit de ses membres, qui lui présenteront l'état des jugemens rendus, à côté de chacun desquels seront la notice abrégée de l'affaire, & le texte de la loi qui aura déterminé la décision.
Une Haute Cour nationale, formée de membres du Tribunal de cassation & de Hauts-Jurés, connoîtra des délits des ministres & agens principaux du Pouvoir exécutif, & des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'état, lorsque le Corps législatif aura rendu un décret d'accusation.
Elle ne se rassemblera que sur la proclamation du Corps législatif.
Les fonctions des Commissaires du Roi auprès des tribunaux, seront de requérir l'observation des lois dans les jugemens à rendre, & de faire exécuter les jugemens rendus.
Ils ne seront point Accusateurs publics ; mais ils seront entendus sur toutes les accusations, & requerront pendant le cours de l'instruction pour la régularité des formes, & avant le jugement pour l'application de la loi. [p.53]
Les Commissaires du Roi auprès des tribunaux, dénonceront au directeur du juré, soit d'office, soit d'après les ordres qui leur feront donnés par le Roi,
Les attentats contre la liberté individuelle des citoyens, contre la libre circulation des subsistances & la perception des contributions ;
Les délits par lesquels l'exécution des ordres donnés par le Roi, dans l'exercice des fonctions qui lui font déléguées, seroit troublée ou empêchée ;
Et les rébellions à l'exécution des jugemens, & de tous les actes exécutoires émanés des Pouvoirs constitués.
Le Ministre de la justice dénoncera au tribunal de cassation, par la voie du Commissaire du Roi, les actes par lesquels les juges auroient excédé les bornes de leur pouvoir.
Le tribunal les annullera, & s'ils donnent lieu à la forfaiture, le fait sera dénoncé au Corps législatif, qui rendra le décret d'accusation, & renverra les prévenus devant la Haute Cour nationale. [p.54]
La Force publique est instituée pour défendre l'État contre les ennemis du dehors, & assurer au dedans le maintien de l'ordre & l'exécution des lois.
Elle est composée,
De l'armée de terre, & de mer;
De la troupe spécialement destinée au service intérieur;
Et, subsidiairement, des Citoyens actifs, & de leurs enfans en état de porter les armes, inscrits sur le rôle de la garde nationale.
Les gardes nationales ne forment ni un corps mililitaire, ni une institution dans l'État; ce sont les Citoyens eux-mêmes appelés au service de la Force publique.
Les Citoyens ne pourront jamais se former, ni agir comme gardes nationales, qu'en vertu d'une réquisition ou d'une autorisation légale. [p.55]
Ils sont fournis, en cette qualité, à une organisation déterminée par la loi.
Ils ne peuvent avoir dans tout le royaume, qu'une même discipline & un même uniforme.
Les distinctions de grade & la subordination ne subsistent que relativement au service & pendant sa durée.
Les officiers sont élus à temps, & ne peuvent être réélus qu'après un intervalle de service comme soldats. Nul ne commandera la garde nationale de plus d'un district
Toutes les parties de la Force publique, employées pour la sûreté de l'État contre les ennemis du dehors, agiront sous les ordres du Roi.
Aucun corps ou détachement de troupes de ligne ne peut agir dans l'intérieur du royaume, sans une réquisition légale.
Aucun agent de la Force publique ne peut entrer dans la maison d'un citoyen, si ce n'est pour l'exécution des mandemens de Police & de Justice, ou dans les cas formellement prévus par la loi. [p.56]
La réquisition de la Force publique dans l'intérieur du royaume, appartient aux officiers civils, suivant les règles déterminées par le Pouvoir législatif.
Si des troubles agitent tout un département, le Roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l'exécution des lois & le rétablissement de l'ordre ; mais à la charge d'en informer le corps législatif, s'il est assemblé, & de le convoquer s'il est en vacance.
La Force publique est essentiellement obéissante ; nul corps armé ne peut délibérer. [p.57]
Les Contributions publiques seront délibérées & fixées chaque année par le Corps législatif, & ne pourront subsister au-delà du dernier jour de la session suivante, si elles n'ont pas été expressément renouvellées.
Sous aucun prétexte, les fonds nécessaires à l'acquittement de la dette nationale & au paiement de la liste civile, ne pourront être ni refusés ni suspendus.
Les administrateurs de département & sous-administrateurs ne pourront ni établir aucune contribution publique, ni faire aucune répartition au-delà du temps & des sommes fixées par le Corps législatif, ni délibérer ou permettre, sans y être autorisés par lui, aucun emprunt local à la charge des citoyens du département.
Le Pouvoir exécutif dirige & surveille la Perception & le versement des Contributions, & donne tous les ordres nécessaires à cet effet. [p.58]
La Nation Françoise renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, & n'employera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.
La Constitution n'admet point de droit d'aubaine.
Les Etrangers, établis ou non en France, succèdent à leurs parens étrangers ou François.
Ils peuvent contracter, acquérir Se recevoir des biens situés en France, & en disposer, de même que tout Citoyen François, par tous les moyens autorisés par les lois.
Les Etrangers qui se trouvent en France, sont fournis aux mêmes lois criminelles & de police que les Citoyens François : leur Personne, leurs biens, leur industrie, leur culte sont également protégés par la loi.
Les Colonies & possessions Françoises, dans l'Asie, l'Afrique & l'Amérique, ne font pas comprises dans la présente Constitution.
Aucun des pouvoirs institués par la Constitution, n'a [p.59] le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties.
L'Assemblée Nationale Constituante en remet le dépôt à la fidélité du Corps législatif, du Roi & des Juges, à la vigilance des Pères de famille, aux Epouses & aux Mères, à l'affection des jeunes Citoyens, au courage de tous les François.
A l'égard des Lois faites par l'Assemblée Nationale, qui ne sont pas comprises dans l'acte de Constitution, & des Lois antérieures auxquelles elle n'a pas dérogé, elles seront observées, tant qu'elles n'auront pas été révoquées ou modifiées par le Pouvoir législatif.
Signé, Les Membres des Comités de Constitution & de Révision.
Target, Briois-Beaumez, Thouret, Adrien Du Port, Barnave, Le Chapelier, Alexandre Lameth, Talleyrand-Périgord, Démeunier, Rabaut, Emmanuel Sieyes, Pethion, Buzot. Nota. M. Stanislas Clermont-Tonnerre est abent par congé