Journaux officiels aimablement prêtés par la Bibliothèque de l'Hôtel de Ville de Paris
Numérisation et relecture des OCR réalisées par la Bibliothèque Cujas
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Versailles, 16 juin 1877.
Messieurs les sénateurs,
En vertu de l'article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, le Président de la République est investi du droit de dissoudre la Chambre des députés, sur l'avis conforme du Sénat.
Cette grave mesure me paraît aujourd'hui nécessaire. Je viens vous demander d'y donner votre assentiment. Mes ministres sont chargés de développer devant vous les motifs qui m'y déterminent.
Le 16 mai dernier, j'ai dû déclarer au pays quel dissentiment existait entre la Chambre des députés et moi. J'ai constaté qu'aucun ministère ne pourrait se maintenir dans cette Chambre sans rechercher l'alliance et subir les conditions du parti radical.
Un gouvernement astreint à une telle nécessité n'est plus maître de ses actions. Quelles que soient ses intentions personnelles, il en est réduit à servir les desseins de ceux dont il a accepté l'appui et à préparer leur avènement. C'est à quoi je n'ai pas voulu me prêter plus longtemps. Quand un tel désaccord existe entre les pouvoirs publics, la dissolution est le moyen prévu par la Constitution elle-même pour y mettre un terme.
J'aurais préféré, cependant, que la date fût retardée.
J'aurais désiré en particulier qu'avant de se séparer les Chambres eussent pu voter le budget de 1878.
Le mois de prorogation qui vient de s'écouler pouvait servir à apaiser les esprits et à leur rendre le calme nécessaire aux discussions d'affaires. Ce résultat n'a pas été obtenu. A peine la prorogation était-elle prononcée que plus de trois cents députés protestaient, dans un manifeste dont vous connaissez les termes, contre l'usage que j'avais fait de mon droit constitutionnel.
Ce manifeste a été répandu à profusion. Un grand nombre de ceux qui l'ont signé l'ont accompagné, soit de lettres à leurs électeurs, soit de discours prononcés dans des réunions nombreuses. Quelques-uns même, à l'abri de l'immunité parlementaire, se sont servis d'expressions telles que la justice a dû sévir contre les journaux qui les reproduisaient.
Une telle agitation ne pourrait se prolonger sans causer un trouble profond. Ceux qui s'y livrent ne peuvent s'étonner que je les appelle devant le pays auquel ils se sont eux-mêmes adressés.
Je me borne donc à demander à la Chambre des députés de voter quelques lois urgentes que le patriotisme de tous les partis ne laissera sûrement pas mettre en question.
La dissolution ensuite promptement prononcée permettra qu'une Chambre nouvelle, convoquée dans les délais légaux, se réunisse à temps pour assurer les services de l'exercice prochain.
Je m'adresserai avec confiance à la nation. La France veut, comme moi, maintenir intactes les institutions qui nous régissent. Elle ne veut pas plus que moi que ces institutions soient dénaturées par l'action du radicalisme. Elle ne veut pas qu'en 1880, le jour où les lois constitutionnelles pourront être révisées, tout se trouve préparé d'avance pour la désorganisation de toutes les forces morales et matérielles du pays.
Avertie à temps, prévenue contre tout malentendu et toute équivoque, la France, j'en suis sûr, rendra justice à mes intentions et choisira pour ses mandataires ceux qui promettront de me seconder.
Vous sentirez la nécessité de délibérer sans retard sur l'importante résolution qui vous est soumise :
La Président de la République,
Vu l'article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, relative à l'organisation des pouvoirs publics,
Fait connaître au Sénat son intention de dissoudre la Chambre des députés et lui demande son avis conforme.
Fait à Versailles, le 16 juin 1877.
Mal DE MAC MAHON, duc DE MAGENTA.
Le président du conseil, garde des sceaux, ministre de la justice,
BROGLIE.