Le Reform Act de 1832, et les actes associés (Representation of the People (Scotland) Act 1832 ; Representation of the People (Ireland) Act 1832) apparaissent de prime abord comme une réforme décevante du système électoral du Royaume-Uni, son objet étant simplement d’abaisser les franchises nécessaires pour élire les membres de la Chambre des Communes et de mettre fin à la pratique des bourgs pourris (Rotten and pocket boroughs). Cette déception apparaît d’ailleurs visible dans les débats parlementaires et notamment certains amendements adoptés au sein de la Chambre des Lords et visant à en réduire la portée. Elle ne fut d’ailleurs que le premier Reform Act d’une succession de réformes nécessaires à l’élargissement de la base électorale. La portée du Reform Act de 1832 ne saurait pourtant se résumer à cette seule question d’adaptation du système électoral, comme le démontrent l’histoire mouvementé de cette réforme. Des projets de réforme du système électoral sont en effet présentés au Parlement soixante ans avant l’adoption finale du Reform Act. Et même la réforme de 1832 demeure le fruit d’une crise constitutionnelle opposant les Wighs et les Tories, la Chambre des Communes et la Chambre des Lords, ayant débuté par le dépôt d’un projet de loi dès la fin de l’année 1830. Ce n’est finalement qu’au troisième projet de loi et après la démission du gouvernement que le principe même d’une Bill allait être accepté – et par un vote ne montrant pas de majorité contre le principe d’une Bill. Et ce n’est finalement qu’après la menace d’une augmentation du nombre de pairs à la Chambre des Lords que les Lords allaient accepter de débattre sur son principe, les Tories cherchant également à en diminuer la portée. Apparaît au final l’enjeu majeur de cette réforme et des débats ayant débutés 60 ans plus tôt, tant au Parlement que dans l’opinion publique : rendre cohérente la théorie de la représentation inhérente au fonctionnement du régime parlementaire britannique et mettre fin à la suprématie, si ce n’est des Lords, du moins de l’aristocratie. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les débats postérieurs au Reform Act se concentrent également sur une critique véhémente sur la Chambre des Lords (voir le nombre de pamphlets adressés directement contre la Chambre des Lords), comme il n’est pas anodin que la déception créée par le Reform Act de 1832 allait donner naissance au Chartisme. Le Reform Act de 1832 apparaît dès lors comme un des moments fondateurs du régime parlementaire britannique comme il est perçu au XIXème siècle et même de nos jours : après avoir affermi les mécanismes de la responsabilité politique du gouvernement devant la Chambre des communes et, au final, fait du gouvernement une émanation de la majorité au sein de la Chambre des communes, encore fallait-il que la Chambre des communes puisse valablement représenté, non pas une faction aristocratique, mais bien les commons dans leur ensemble. Cette question de la représentation étant dès lors posée, elle allait venir renforcer l’autorité de la Chambre des communes et, inversement, rendre de plus en plus prégnante la question des fonctions qui devaient ou pouvaient être dévolues à la Chambre des Lords. La filiation entre le Reform Act de 1832 et le Parliament Act 1911 est dès lors éclairée sous un nouveau jour et montre la montée en puissance de la Chambre des Communes contre la Chambre des Lords qui, si elle ne remet pas en cause, en théorie, la souveraineté du Roi en son Parlement, déplace substantiellement le lieu du pouvoir dans le giron de la seule Chambre des Communes.