Mavida M.J., Laurent M.L. (fond.), Barbier G., Claveau L., Lataste L., Pionnier C. (dir.), Archives parlementaires de 1787 à 1860, Recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, Deuxième série (1800 à 1860), t. CXXIII, 1911.
Numérisation et relecture des OCR réalisées par la Bibliothèque Cujas
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PRÉSIDENCE DE M. CALMON, VICE-PRÉSIDENT.
Séance du lundi 21 janvier 1839.
La séance est ouverte à 2 h. 1/2.
Le procès-verbal de la séance du samedi 19 janvier est lu et adopté.
M. Piscatory. Je demande la parole sur le procès-verbal.
M. le Président. Le procès-verbal est adopté.
M. Piscatory. Messieurs, je ne viens pas demander une rectification au procès-verbal ; M. le président m'a fait observer qu'il était adopté; mais je demande la permission... (Interruption.)
Plusieurs voix : Personne n'a entendu mettre aux voix le procès-verbal.
M. Roger (du Nord). Il n'a pas été adopté par la Chambre.
M. Piscatory. Je demande la permission de faire une simple observation sur la rédaction du procès-verbal, et je m'adresse plus particulièrement au bureau qui est chargé de surveiller cette rédaction.
Je ne veux pas revenir sur des observations qui ont été faites quant au Moniteur ; je sais mieux qu'un autre qu'il est souvent nécessaire, pour donner plus de suite à un discours, d'en rectifier quelques passages pour le rendre aussi intelligible à la lecture qu'il l'a été à la tribune. Mais, Messieurs, dans les procès-verbaux un usage s'est introduit qui, en le rapprochant de l'usage qui s'est également introduit, de faire des rectifications ou plutôt des changements au Moniteur, peut avoir des inconvénients. Les discours des ministres sont insérés aux procès-verbaux, textuellement, tels que le Moniteur les donne. Vous comprenez qu'il y a à cela un vrai mal, si cette habitude de changer au Moniteur les discours prend une extension démesurée. Je crois donc qu'il serait nécessaire que MM. les secrétaires-rédacteurs voulussent bien analyser les discours des ministres, comme ceux des autres membres de cette assemblée, afin que le compte rendu de la séance resté sincère et vrai.
Aujourd'hui, il y a un changement important fait au discours de M. le président du conseil dans le Moniteur. Les paroles qu'il a prononcées à la tribune dans son dernier discours ne sont pas celles qui se trouvent dans le Moniteur. Que va-t-il arriver? C'est que le procès-verbal de la Chambre qui est un document sérieux, important, ne reproduira pas fidèlement les paroles qui ont été prononcées à la tribune ; et ce qui prouve tout de suite l'importance de mon observation, c'est qu'après le discours du ministre, inséré textuellement au procès-verbal, tel qu'il est écrit au Moniteur, vient, sous la forme analytique, le discours prononcé par l'honorable M. Odilon Barrot ; ce discours était une réponse directe, péremptoire, au discours de M. le président du conseil. Eh bien! Aujourd’hui dans le procès-verbal, tel qu'il se trouve rédigé, on ne trouvera aucun rapport entre le discours de M. Odilon Barrot, et celui de M. le président du conseil... Je ne saurais trop le dire : le procès-verbal est un document important que la Chambre doit surveiller avec la plus grande attention, si elle veut qu'il ait quelque valeur pour le présent et pour l'avenir.
Je ne puis pas demander une rectification au procès-verbal, puisque M. le président dit qu'il a été adopté. Je me borne donc à faire mon observation ; je l'adresse particulièrement au bureau, et je demande à la Chambre de vouloir bien ordonner que les discours des ministres soient analysés dans le procès-verbal, aussi bien que ceux des membres de la Chambre. Alors, on restera, quant au Moniteur, dans sa liberté, dont cependant il ne faudrait pas abuser ; au moins la Chambre aura, dans son procès-verbal, un document sérieux et certain qu'on pourra consulter en toute occasion. (Très bien! Appuyé!)
M. de Salvandy, ministre de l'Instruction publique. La Chambre comprendra qu'il n'a pas pu entrer dans la pensée de l'honorable orateur qui descend de la tribune, plus que dans celle du ministre qui s'y trouve, de rouvrir un débat qui a été terminé par le vote de samedi soir. Il ne peut être question que d'une pensée générale soumise par l'honorable membre aux méditations de la Chambre. Je veux uniquement représenter à la Chambre qu'il ne peut pas entrer dans sa pensée de décider un point général à l'occasion d'un incident particulier. Il est évident que la Chambre voudra qu'il soit procédé cette fois à l'égard de la séance de samedi soir, comme il a été décidé jusqu'à présent à l'égard de tous les procès-verbaux.
Maintenant, s'il résultait des observations de l'honorable membre qu'il y eût lieu à introduire quelques changements dans les procédés de la Chambre, ce serait un point à examiner en temps opportun, et le temps opportun n'est pas éloigné, puisque vous êtes appelés aujourd'hui même à discuter une proposition relative à votre règlement.
Je demande donc qu'il ne résulte de cet incident aucune délibération particulière, et que, seulement, la Chambre examine, quand il y aurait lieu, si en effet il convient ou non de changer quelque chose aux usages établis.
M. Piscatory (de sa place). Je demande pardon à la Chambre d'appuyer de nouveau sur mon observation.
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C'est vrai, la Chambre n'a rien à décider ; mais il y a des usages qui doivent être respectés ; ces usages sont que MM. les secrétaires-rédacteurs, sous la surveillance de MM. les secrétaires de la Chambre, sont chargés de résumer les discussions.
Est-ce ainsi que cela se passe en ce moment ? Non! Qu'on revienne donc à ce qui s'est fait ou doit se faire, que les discours des ministres soient résumés comme les autres discours.
Mais prendre dans le Moniteur le discours tout entier, et l'insérer dans le procès-verbal, je l'approuverais si le Moniteur n'était pas changé, si c'était le discours tel qu'il a été prononcé à la tribune ; mais s'il a été radicalement changé dans le Moniteur, son insertion dans le procès-verbal devient une falsification du procès-verbal lui-même.
Il n'y a donc pas à adopter une règle nouvelle ; il y a à rappeler la règle primitive et à demander que, quant aux discours dont il s'agit, MM. les secrétaires-rédacteurs veuillent bien prendre des notes et rédiger, sur ces notes, les analyses des discours.
M. de Salvandy, ministre de l'Instruction publique. Je ne veux pas insister ; j'ai seulement besoin d'établir qu'il résulte des observations de l'honorable membre, qu'il y aurait une distinction très grande à faire, entre ce qu'il considère comme la règle et ce qu'il considère comme l'usage ; car suivant ses paroles, la règle serait que MM. les secrétaires de la Chambre doivent faire le résumé des discours des membres du cabinet, comme de ceux des membres de la Chambre, tandis que dans l'usage on aurait toujours introduit dans le procès-verbal de la Chambre, textuellement, les discours des conseillers de la Couronne.
Maintenant, si le procès-verbal actuel a été adopté, il est évident que dans la pensée de l'honorable membre, comme dans la mienne, il ne doit rien y être changé. Si, au contraire, le procès-verbal n'a pas été adopté, je demanderai qu'il ne soit pas innové cette fois, c'est-à-dire que l'usage établi jusqu'à ce jour, d'après les déclarations de l'honorable membre qui les connaît mieux que personne puisqu'il a siégé longtemps au bureau, soit encore suivi dans cette circonstance, sauf à examiner la question, s'il y a lieu, en discutant les modifications à apporter au règlement de la Chambre.
M. Mathieu de la Redorte. Je demande formellement à la Chambre de vouloir bien soumettre la proposition de M. Piscatory à l'examen de MM. les secrétaires de la Chambre.
M. Roger et autres membres. Aux voix le procès-verbal !
M. le Président. Le procès-verbal a été adopté.
L’incident est clos.
M. le Président. La Chambre a présenté hier au roi l'adresse que vous avez votée. Sa Majesté, entourée de ses ministres dans la salle du trône, a fait à la députation la réponse dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture.
« Messieurs les députés,
« Je reçois avec une bien vive satisfaction l'adresse que vous m'apportez au nom de la Chambre des députés. J'ai été profondément ému du mouvement qui l'a portée à se rendre tout entière auprès de moi, lorsqu'elle a appris le coup qui m'a frappé dans mes plus chères affections. Trop accablé alors pour pouvoir vous exprimer, comme je l'aurais voulu, à quel point ma famille et moi nous étions touchés de la part que vous preniez à notre douleur, j'éprouve aujourd'hui une véritable consolation à vous le dire et à vous en remercier.
« J'éprouve aussi, et bien vivement, le besoin de vous exprimer combien j'apprécie les assurances que vous me renouvelez. Jamais l'union des grands pouvoirs de l'État ne fut plus nécessaire pour assurer à chacun d'eux la faculté d'accomplir le vœu de leur institution. C'est par cette union, c'est par votre concours que nous parviendrons à mettre à l'abri de toute atteinte les avantages dont la France jouit aujourd'hui, et à lui garantir la durée de cet état de paix et de repos qui est toujours la base essentielle de la prospérité publique.
« En me félicitant avec vous de la nouvelle gloire que notre brave marine vient d'attacher au pavillon français sur les remparts de Saint-Jean-d'Ulloa, je vous remercie de vous associer au bonheur que j'éprouve toutes les fois que mes fils peuvent acquitter leur dette envers la patrie, et combattre pour la France. Je suis bien touché des nouveaux témoignages d'affection et de confiance dont la Chambre entoure le berceau de mon petit-fils. Il m'est doux d'y répondre en lui manifestant à mon tour toute l'affection que je lui porte, et combien je suis sensible aux vœux qu'elle m'exprime pour ma famille et pour moi. »
Cette réponse sera insérée au procès-verbal.