15 décembre 1877 - Journal officiel du 16 décembre 1877


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PRÉSIDENCE DE M. JULES GRÉVY

 

La séance est ouverte à deux heures et demie.

M. Etienne Lamy, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

(Le procès-verbal est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances.

M. Léon Say, ministre des finances. J'ai d'abord à déposer sur le bureau de la Chambre un certain nombre de projets de lois d'intérêt local relatifs :

Le 1er à des surtaxes à l'octroi de Chinon (Indre-et-Loire) ;

Le 2e à des surtaxes à l'octroi d'Audierne (Finistère) ;

Le 3e à des surtaxes à l'octroi de Châteaulin (Finistère) ;

Le 4e à des surtaxes à l'octroi d'Hazebrouck Nord) ;

Le 5e à des surtaxes à l'octroi de Plouédac (Finistère).

De plus, je dépose deux projets de lois relatifs à des échanges de terrains : le 1er entre l'État et Mme la baronne Nathaniel de Rothschild ; le 2e entre l'État et la ville de Vichy.

Je demande à la Chambre de vouloir bien renvoyer ces projets de lois à la commission des lois d'intérêt local.

Je ferai remarquer à cette commission qu'il y a intérêt à ce que les lois relatives aux surtaxes d'octroi soient votées avant le 31 décembre. Comme après avoir été votées par la Chambre, elles doivent être renvoyées au Sénat, je prierai les membres de la commission des lois d'intérêt local de vouloir bien s'en occuper le plus promptement possible. (Marques d'assentiment.)

M. le président. Les projets de lois déposés par M. le ministre des finances seront imprimés, distribués et renvoyés à la commission des intérêts locaux.

M. le ministre des finances. Messieurs, la première préoccupation du Gouvernement, et particulièrement du ministre des finances, a été de chercher à régulariser la situation en ce qui concerne la loi de finances, avant le 31 décembre prochain. Il est absolument nécessaire, aujourd'hui que nous sommes entrés dans une voie régulière et parlementaire... (Très-bien ! très-bien), que les services puissent être régulièrement assurés et que, la crise étant terminée, le pays ne voie pas une autre crise devenir possible au 31 décembre. (Très-bien! très-bien!) En conséquence, nous avons dû étudier la façon dont nous pourrions nous y prendre pour obtenir un résultat qui doit, ce me semble, être désiré par tout le monde. Nous nous trouvions en présence de deux difficultés très-graves l'une et l'autre. La première venait de la réunion nécessaire et prochaine des conseils généraux. Le Gouvernement croit qu'il est absolument nécessaire de convoquer les conseils généraux dans le plus bref délai et de les réunir avant la fin de l'année. Cette date du 31 décembre que j'indiquais allait donc être rapprochée encore d'un certain nombre de jours. Nous estimons que les conseils généraux peuvent être convoqués pour le 21 décembre. Leur session doit être précédée de celle des conseils d'arrondissement, qui pourraient être convoqués pour le 19.

Les 19 et 21 décembre seraient donc les deux dates de convocation des conseils d'arrondissement et des conseils généraux.

Cette question a une importance capitale. Il est absolument nécessaire que les conseils généraux rentrent dans l'exercice de leurs attributions et que les budgets départementaux et les budgets communaux soient immédiatement réglés, et, pour cela, il faut, aussi de toute nécessité, que ces réunions aient lieu avant le 31 décembre.

Ce premier point établi, nous avions à examiner la question du budget, en nous renfermant dans un délai qui ne s'étend même pas jusqu'au 31 décembre, mais s'arrête au 20 ou au 21.

Posée en ces termes, la question était infiniment plus difficile à résoudre, vous devez le comprendre.

Je me suis mis en rapport avec la commission du budget, et j'ai pu constater avec grand plaisir que la commission du budget avait terminé son travail, mais que ce travail terminé n'était point encore entièrement imprimé, que le vote du budget, préparé et accepté par la commission du budget, demanderait donc un certain nombre de jours, alors que nous en avions très-peu à notre disposition.

Il faut au moins un jour pour la transmission du projet de loi d'une Chambre à l'autre, par suite des impressions nouvelles qui sont nécessaires. Le Sénat lui-même doit renvoyer le projet à sa commission des finances. Nous ne pouvions évidemment pas, les choses étant telles, arriver en temps utile.

Dans ces conditions, messieurs, nous vous proposons de faire ce qui a été fait plusieurs fois dans le passé : c'est, d'abord, de détacher de la loi générale ce qui regarde les contributions directes, pour que la loi qui les concerne, votée par les deux Chambres, soit la base des opérations des conseils généraux. Cette distraction de la loi spéciale porte sur un certain nombre d'articles, dont aucun n'est nouveau, sur lesquels la commission du budget a déjà pris parti, et qui, par conséquent, ne nécessitent pas une étude et ne créent pas une difficulté.

La seule question que la commission du budget aura à examiner et sur laquelle elle aura à faire un rapport, c'est celle de savoir si la distraction est urgente et si elle est convenable. Aucune question nouvelle n'est soulevée, si ce n'est en ce qui touche les contributions des patentes.

Eh bien, j'ai cru qu'à l'époque de l'année où nous sommes arrivés, nous ne pouvions pas laisser en suspens la question des patentes, ce qui aurait empêché de faire les rôles.

D'autre part, nous ne pouvons pas la résoudre, parce que la discussion sur un dégrèvement amène nécessairement la discussion sur tous les autres dégrèvements possibles. J'ai reproduit, dans la loi de distraction, l'article qui figurait dans le premier budget que j'ai eu l'honneur de présenter à la dernière Chambre des députés. Si la commission du budget adoptait ce mode de procéder, la Chambre peut être mise très-vite à même de prendre un parti.

Mais ce n'est pas tout : il restait les autres recettes, il restait les dépenses.

Pour les recettes, c'est-à-dire pour l'article qui permet de percevoir les contributions directes conformément aux lois existantes et aux tableaux annexés au budget, il y avait une certaine difficulté.

Nous n'avons aucunement la prétention de préjuger en quoi que ce soit les dégrèvements qui pourront être proposés par la commission du budget et qui pourront être discutés par la Chambre, et alors, au lieu de mettre tout en discussion, nous avons pensé que nous pourrions recourir à la forme fréquemment employée, à savoir : que les contributions directes pourraient être perçues pour les mois de janvier et de février conformément aux lois existantes. Cela laisse toutes les autres questions en l'état. Restent les dépenses.

Pour les dépenses, nous avions eu l'idée de préparer un travail détaillé pour les douzièmes. Ce travail était encore assez considérable. Il consistait à reprendre chacun des chapitres et à voir quelle était, sur chacun des chapitres, la portion de crédit nécessaire pour ces deux mois et arriver au moment où le budget sera voté définitivement. Et nous avons cru que le Gouvernement pourrait s'adresser avec confiance à cette Chambre. (Oui! oui! à gauche et au centre.) Nous avons cru que le Gouvernement, qui venait de se constituer et d'exposer son programme politique à la tribune était un gouvernement parlementaire qui pouvait faire ces propositions à une Chambre avec la majorité de laquelle il était d'accord. (Très-bien! très-bien!)

Et alors nous nous sommes dit que ce qui était à la fois le plus simple pour assurer les services et en même temps une grande marque de confiance vis-à-vis de ce Gouvernement qui se constituait, c'était d'ouvrir comme en 1872, un crédit général de 529,503,000 fr., crédit suffisant pour assurer les services pendant les mois de janvier et de février.

Nous en ferons la répartition entre les ministères et les chapitres par décrets ultérieurs, et je suis d'ailleurs tout prêt à montrer à la commission du budget sur quelles bases ce chiffre de 529,500,000 fr. a été calculé.

Voilà, messieurs, tout ce que j'avais à dire sur la loi des contributions directes et sur la distraction d'un crédit de 529,500,000 fr. pour les dépenses. Nous vous demandons une loi de douzièmes qui implique, je le reconnais, un vote de confiance vis-à-vis du Gouvernement.

M. Prax-Paris. Des douzièmes de confiance!

M. le ministre. Mais nous sommes arrivés ici en pensant que cette confiance, nous pouvions la demander à la majorité de cette Chambre, parce que nous sommes l'expression du mouvement d'opinion qui s'est produit dans le pays et dont la Chambre est également l'expression... (Oui! oui! —Très-bien!); je crois que, dans cette situation, nous pouvons lui faire la demande que j'ai l'honneur de vous soumettre, c'est-à-dire le vote d'un crédit de 529,500,000 francs.

En terminant, j'ai l'honneur de vous demander l'urgence. C'est seulement dans le cas où l'urgence serait prononcée que la commission du budget pourra se réunir et vous présenter ensuite les propositions qu'elle jugera a propos de vous faire.

J'ai donc l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre :

1° Un projet de distraction des contributions directes ;

2° Un projet de loi relatif aux deux douzièmes afférents aux mois de janvier et février, et je demande l'urgence sur ces deux projets.

M. le président. Je consulte la Chambre sur la déclaration d'urgence demandée par M. le ministre des finances, relativement aux deux projets de lois qu'il vient de déposer.

(La Chambre, consultée, déclare l'urgence.)

M. le président. Les projets de lois seront imprimés, distribués, et, conformément à la demande de M. le ministre des finances, renvoyés à la commission du budget.

M. Cochery, rapporteur général du budget. La commission du budget va se réunir immédiatement ; elle examinera les projets de M. le ministre des finances, et elle cherchera à présenter ses rapports dans la séance de ce jour. J'espère qu'elle y réussira. (Approbation.)

[8423]

M. le président. Attendez, messieurs. M. le rapporteur demande, au nom de la commission du budget, la discussion immédiate des rapports qu'il vient de présenter. Je consulte la Chambre.

(La Chambre, consultée, décide qu'elle passe à la discussion immédiate.)

M. le président. La parole est à M. Jolibois.

M. Jolibois. Messieurs, je suis autorisé par mes amis à déclarer qu'ils voteront et le projet de loi des contributions directes et le crédit nécessaire pour assurer les services publics.

L'adoption de ces deux projets est imposée par une nécessité qui a déjà été signalée à la Chambre par l'honorable M. Boulier dans une précédente séance.

L'honorable ministre des finances, dans l'exposé des motifs qu'il a fait à la tribune, et la commission dans le rapport qu'elle vient de présenter, ont cru devoir envisager le présent vote des crédits demandés comme une déclaration de confiance dans le cabinet. Ils nous permettront une réserve à ce sujet. (Mouvements divers).

M. Léon Say, ministre des finances. Je demande la parole.

M. Jolibois. La nécessité de consentir ces crédits est tellement impérieuse, que le vote, en ce qui concerne nos amis, ne peut être considéré que comme un acte exclusivement commandé par l'intérêt public. (Très-bien ! très-bien ! et applaudissements à droite.)

M. Léon Say, ministre des finances, et M. de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia, se dirigent vers la tribune.

Plusieurs membres, à M. le ministre. Laissez parler d'abord M. de La Rochefoucauld. Vous répondrez aux deux.

M. le ministre des finances retourne au banc du Gouvernement.

M. de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia. Messieurs, nous n'avons pas à répondre au vote de confiance qui vous est demandé par M. le ministre des finances. (Interruptions à gauche.)

Le moment n'est pas venu de nous expliquer sur la politique du cabinet. Nous n'imiterons pas l'attitude de la majorité qui refusait le budget au ministère précédent... (Exclamations à gauche), et nous voterons les crédits qui nous sont demandés, en faisant nos réserves pour l'avenir. (Nouvelles exclamations à gauche. — Applaudissements à droits.)

M. le ministre des finances. La Chambre comprendra que je ne veuille pas entamer en ce moment une discussion avec l'honorable M. Jolibois et l'honorable duc de Bisaccia sur la politique générale du Gouvernement. Je ferai seulement remarquer à ces honorables députés qu'ils ont commis une erreur de fait, que je dois relever.

Aucun ministère parlementaire ne viendra jamais demander à une Chambre le vote de tout ou partie du budget à titre de vote de confiance. Ce n'est pas là ce que j'ai dit... (Interruptions à droite.) Ce que j'ai demandé, c'est que la commission du budget affirmât sa confiance par la forme qu'elle donnerait à l'ouverture des crédits.

M. Gambetta. C'est cela !

M. le ministre. Libre à ces messieurs de déposer des amendements indiquant, chapitre Par chapitre, les sommes qu'ils jugeraient nécessaires... (Exclamations à droite.)

M. Victor Hamille. Nous ne taisons pas de ces mesquineries-là!

M. de La Bassetière. Nous voulons, au contraire, voter le budget entier, tandis que vous, avec vos deux douzièmes, vous n'accordez qu'une confiance limitée au chef du Gouvernement. (Bruit.)

M. le ministre. Ce que je tiens à dire, c'est qu'il n'entrait nullement dans notre pensée, et qu'il ne peut entrer dans la pensée d'aucun ministère parlementaire, de faire du vote du budget une question de confiance. Ce qui sera pour nous un témoignage de confiance véritable, dont nous remercierons la Chambre, si elle veut bien nous l'accorder, ce sera d'ouvrir en bloc un crédit de 529,500,000 fr., dont nous serons chargés de faire la répartition. (Très-bien ! très-bien ! à gauche et au centre.)

M. Prax-Paris. Nous sommes prêts à voter tout le budget !

M. le président. Personne ne demande la parole pour la discussion générale ?...

Je consulte la Chambre sur la question de savoir si elle entend passer à la discussion des articles du projet de loi relatif aux quatre contributions directes pour l'exercice 1878.

(La Chambre, consultée, décide qu'elle passe à la discussion des articles.)

Le projet de loi relatif aux contributions directes est immédiatement mis en délibération et la Chambre en adopte, par mains levées, chacun des articles, conformément au texte lu et proposé par M. le rapporteur de la commission du budget.

Le vote successif des articles est finalement consacré par un vote d'ensemble.

M. le président. Vient maintenant le projet portant : 1° autorisation de percevoir, pendant les mois de janvier et février 1878, tous les impôts indirects et toutes les taxes établies par les lois existantes ; 2° ouverture d'un crédit de 529,500,000 francs à répartir entre les divers ministères.

(La Chambre adopte successivement les sept articles du projet conformément au texte présenté par M. le rapporteur. — Voir plus haut 2e projet de loi à la suite du rapport de M. Cochery.)

 

Après quoi, il est procédé sur l'ensemble à un scrutin dont le dépouillement donne le résultat suivant :

Nombre des votants 498

Majorité absolue 250

Pour l'adoption 498

Contre 0

La Chambre a adopté.