Chapitre V - La Charte interdit à la Chambre des députés de refuser son concours à la Couronne, de même qu'elle interdit à la Couronne de refuser son concours à la Chambre des députés.


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CHAPITRE V

La Charte interdit à la Chambre des députés de refuser son concours à la Couronne, de même qu'elle interdit à la Couronne de refuser son concours à la Chambre des députés.

La charte, d'abord, que dit-elle ?

Elle établit trois pouvoirs, organes de la représentation nationale.

A la couronne, à la pairie, à la chambre des députés, elle attribue collectivement la législation.

A la couronne seule, l'exécution par ministres responsables, nommés par le roi, accusables par une des chambres, jugeables par l'autre.

D'où il suit que :

Chacun de ces trois pouvoirs doit être indépendant, sans quoi il ne serait pas un pouvoir.

Chacun de ces trois pouvoirs doit être limité, sans quoi il serait absolu.

Indépendant dans l'exercice de ses droits, limité par les droits mêmes des deux autres pouvoirs,

D'où il suit qu'aucun de ces trois pouvoirs ne peut constitutionnellement faire de ces droits un usage qui [p.47] détruirait les droits des deux autres : celui des trois pouvoirs qui agirait ainsi sortirait de la constitution et entrerait en état révolutionnaire.

Ainsi donc, si la couronne avait présenté un projet de loi à la chambre élective, et que celle-ci l'eût rejeté, le roi n'a pas le droit de contraindre la chambre à l'accepter, et il ne peut faire exécuter par ses ministres la loi rejetée.

Par réciprocité, si la chambre, en vertu de son initiative, proposait à la couronne une mesure importante, la conversion des rentes, par exemple, ou telle autre plus importante encore, et que le roi repoussât cette proposition, la chambre n'a pas le droit de le contraindre à l'accepter et à l'exécuter.

Dans un cas comme dans l'autre, il y a décision constitutionnelle définitive. La mesure est rejetée, sauf sa reproduction éventuelle dans la session suivante.

Voilà la charte dans son texte et dans son esprit.

Mais l'école révolutionnaire et l'école doctrinaire n'admettent que la moitié de cette vérité. Si la proposition du roi a été repoussée par la chambre, ces deux écoles, d'accord avec nous, conviennent très-volontiers que le roi n'a le droit ni de contraindre l'acceptation de la chambre, ni le droit de s'en passer; mais s'il s'agit de la seconde hypothèse , si c'est la volonté de la chambre qui a été repoussée par la couronne, alors l'école révolutionnaire et l'école doctrinaire ne veulent plus de la charte; elles ne veulent plus l'égalité des trois pouvoirs législatifs : elles veulent donner à la chambre, au moyen d'un refus de concours, une prépondérance coërcitive qui force le roi à accepter et à exécuter la volonté parlementaire qu'il n'approuve pas.

Ainsi, nous sommes fondé à dire que nos contradicteurs [p.48] réclament l'absolutisme en faveur de la chambre; mais que nous ne réclamons pas l'absolutisme en faveur de la couronne. Nous demandons seulement l'égalité législative telle que la charte l'établit.

Ainsi, nous sommes fondé à dire que nous ne réduisons point la chambre à n'être qu'un pouvoir consultatif, et que nous lui laissons la décision législative qui lui appartient : tandis que nos adversaires réduisent la royauté à un rôle purement consultatif, lui demandant, pour la forme, un consentement dont ils prétendent avoir le droit de se passer.

Quant à la chambre des pairs, l'école doctrinaire ne s'en occupe pas plus maintenant que l'école révolutionnaire. On fait, de part et d'autre, comme si elle n'existait pas : car nous n'avons pas encore entendu les doctrinaires réclamer pour la pairie le droit de refuser son concours aux deux autres pouvoirs. Ils l'admettent, à ce qu'il paraît, comme simple spectatrice du débat.

D'où il résulte bien clairement, le cas échéant, que la chambre des députés seule serait investie de toute la puissance législative, et réduirait au néant la part de législation que la charte attribue au roi et à la pairie.

Mais ce n'est rien. Le roi resterait encore investi de la puissance exécutive que la charte lui confère à lui seul. L'école révolutionnaire et l'école doctrinaire vont travailler à lui ôter aussi cette puissance exécutive.

Voici comment.

Cette puissance exécutive ne peut s'exercer que par des agents responsables.

Ôter au roi le choix de ses agents, les destituer et les remplacer par les agents de la chambre élective, c'est le [p.49] moyen infaillible d'absorber, au profit de cette assemblée, le pouvoir exécutif, comme on aurait déjà absorbé en sa faveur la totalité du pouvoir législatif. Pour me servir de l'expression consacrée par le général en chef de l'école doctrinaire, c'est le triomphe complet des classes moyennes; et pour me servir de l'expression de son premier lieutenant, c'est le gouvernement de la démocratie parlementaire.

Eh bien! Au moyen du refus de concours, rien n'est plus simple que d'organiser cette seconde destruction de la royauté constitutionnelle; on a imaginé, pour compléter l'œuvre révolutionnaire, ce qu'on est convenu d'appeler les questions de cabinet. — Alors, ce n'est plus l'utilité, la bonté, la valeur des lois présentées que la chambre juge : non, c'est le choix personnel des ministres qu'elle apprécie; c'est une lice qu'elle ouvre pour un tournoi ministériel, pour un duel de portefeuilles. — Quand elle juge convenable de casser les choix faits par le roi et d'y substituer les ministres choisis par elle, elle aurait le droit, selon l'école doctrinaire, de rejeter non-seulement les mauvaises lois qu'on pourrait lui présenter, droit que nous ne chercherons jamais à lui contester ; mais, bien mieux que cela, elle aurait le droit de rejeter les meilleures lois, les lois les plus utiles, les plus indispensables à la paix publique et à la société, le budjet, par exemple, ou les fonds secrets, afin que la couronne, prise par famine et privée des moyens financiers nécessaires au mécanisme du gouvernement, fût dépouillée du pouvoir exécutif, ainsi qu'elle l'aurait été déjà de sa part du pouvoir législatif, jusqu'à ce qu'elle eût renvoyé les agents exécutifs de son choix, pour accepter forcément les agents exécutifs imposés comme sine quâ non par la chambre.

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Parmi ces questions de cabinet, qui toutes me paraissent des germes de révolution très-dangereux, quoiqu'ils avortent souvent, il en est une sorte plus merveilleuse que toutes les autres : c'est la question de cabinet qu'on est convenu de discuter chaque année lors de l'adresse au début de la session. C'est, à mes yeux, le dernier terme de la déraison humaine. Aussi nous consacrerons un chapitre particulier aux questions de cabinet, en général, et à celle de l'adresse, en particulier.

Parce qui vient d'être exposé, il est si évident que la charte a donné aux trois pouvoirs législatifs des droits égaux, il est si évident que le veto de chacun de ces pouvoirs sur les volontés législatives des deux autres, est formel et inviolable, qu'il faut en conclure qu'aucun des trois pouvoirs n'a le droit d'imposer sa volonté aux deux autres; sinon les deux autres n'existeraient plus, ils n'auraient plus de libre arbitre, ils n'auraient plus d'être moral, ils ne seraient plus rien. — Donc, le refus de concours, qui n'a d'autre but que de faire prévaloir la volonté de la chambre élective sur le veto de la couronne, est inconstitutionnel et révolutionnaire.

Voilà qui est constant pour ce qui touche les mesures législatives.

Pour ce qui concerne le pouvoir exécutif, le refus de concours constitue une usurpation bien plus flagrante et bien plus complète.

Car le pouvoir exécutif appartenant en entier à la couronne, ici la spoliation serait absolue, sans excuse, sans prétexte.

Dire au roi : nous refusons le budjet, ou telle autre loi évidemment indispensable, parce que nous voulons [p.51] que le gouvernement vous soit impossible, jusqu'à ce que vous ayez renoncé au droit de choisir vos ministres, et que vous ayez accepté ceux que nous voulons vous imposer, c'est une violation si complète de la charte qu'il est impossible de la dissimuler. — Quant aux conséquences funestes de cette usurpation, nous nous en occuperons ci-après, et nous y reviendrons encore au sujet des questions de cabinet.

Pour le moment, examinons seulement les raisons constitutionnelles et morales qui détruisent dans son essence même le droit de refus de concours.

Chose étrange ! De ce que le roi gouverne avec le concours des chambres, on en conclut que la chambre élective a le droit de refuser son concours !

Mais en entrant dans votre système, de ce que les chambres gouvernent avec le concours du roi, en concluerez-vous que le roi ait le droit de refuser son concours aux chambres ?...

En concluerez-vous que le roi, en cas de dissentiment, ait le droit de dire à la chambre élective : « Jusqu'à ce que vous ayez consenti à la loi que je vous propose, jusqu'à ce que vous ayez agréé les ministres que j'ai nommés, je refuse mon concours, j'arrête l'administration, j'arrête la justice, je n'organise plus la défense du pays ? »

Non, sans doute ; personne n'admettrait une pareille prétention.

Il n'est donc pas vrai que les pouvoirs dont le concours est nécessaire au gouvernement, aient le droit de lui refuser ce concours ; parce qu'il n'est pas vrai, parce qu'il ne peut pas être vrai, que la charte ait donné aux pouvoirs qui constituent le gouvernement organisé par elle, [p.52] le droit de rendre ce gouvernement impossible et de l'empêcher de fonctionner. Cette idée seule est le comble de l'absurde.

Voilà pourtant le droit que l'on réclame pour la chambre des députés contre la royauté. On lui donne simplement le droit de mettre le royaume en interdit, jusqu'à ce que la pairie et la royauté aient courbé la tête sous les injonctions du pouvoir électif; car refuser le budjet, par exemple, n'est-ce pas rendre le gouvernement impossible, tout autant que si le roi suspendait son action exécutive dans le royaume ?...

Les théoriciens représentatifs, confondant toujours le fait exceptionnel et révolutionnaire avec la règle normale et constitutive, disent que le refus des subsides a toujours été un moyen employé par les peuples pour arracher à l'absolutisme les libertés qu'ils ont successivement conquises. Je pourrais faire voir que le fond même des choses était tout autre qu'aujourd'hui. Alors le trésor public n'existait pas; alors la royauté possédait en son nom, disposait des finances, sans contrôle et sans surveillance de la part de la nation; c'était au roi, considéré comme gérant pour son compte les destinées de son royaume, qu'on refusait les fonds, afin d'obtenir des concessions politiques qui changeassent graduellement cet état de choses, et qui constituassent une royauté, puissance publique, agissant pour l'État, au nom de l'État, et sous la surveillance de l'État. C'était une marche révolutionnaire et ascendante de la société, employant le fait extra-légal pour arriver à l'établissement régulier et libre de l'ordre politique. Or, maintenant que cet état légal est conquis, existe, est constitué, l'emploi du moyen révolutionnaire [p.53] est devenu absurde, parce qu'il détruirait ce qu'il a conquis.

Mais, sans entrer dans le développement de ces idées qui nous entraîneraient trop loin, il me suffit d'indiquer ces deux points. — D'abord, que la société étant constituée régulièrement, il n'y a plus lieu à faire usage du refus des subsides pour contraindre le pouvoir royal à céder des droits qui déjà sont possédés par la nation. Ensuite, qu'autrefois on refusait les subsides au roi, afin de parvenir à constituer l'État, tandis qu'aujourd'hui on les refuserait à l'État lui-même, pour détruire le roi. Certes, je crois que non-seulement il n'y a pas d'analogie dans les deux positions, mais que jamais il n'en exista de plus opposées.

Ainsi donc, refuser le concours, qu'est-ce, en réalité, pour le cas qui nous occupe?

Ici je ne veux pas laisser d'équivoque. — On dit le roi gouverne avec le concours des chambres — c'est-à-dire le roi fait exécuter les lois que les chambres ont approuvées; il les fait exécuter par des ministres responsables devant les chambres.

Or, ce n'est pas de ce concours-là que nous parlons. Nous admettons parfaitement que la sanction des chambres, leur vote approbatif, puissent être refusés par elles, quand la mesure pour laquelle on réclame leur appui leur paraît mauvaise. Ce concours-là, les chambres ont toujours le droit de l'accorder ou de le refuser, et le roi ne peut jamais s'en passer. C'est pour cela qu'elles sont faites, c'est leur droit le plus évident, c'est la cause, c'est la raison de leur existence. Mais n'équivoquons pas sur les mots. Refuser le concours, [p.54] dans le sens qu'on donne à ce mot, pour en faire résulter la prépondérance de la chambre élective sur la royauté, c'est tout autre chose que de repousser une mesure que la chambre trouve mauvaise. — Bien au contraire, c'est refuser d'approuver une mesure que la chambre trouve bonne, et qu'elle refuse parce qu'elle la trouve bonne, et si bonne même, que le gouvernement ne peut pas s'en passer, et que le roi ne peut plus remplir ses fonctions de roi telles que la charte les a consacrées.

Ce n'est plus là le droit de la chambre, c'est l'abus de son droit, c'est la destruction du gouvernement de la charte, c'est l'absolutisme électif revêtu d'un simulacre de vote constitutionnel.

Refuser, en ce sens, son concours au gouvernement, c'est, de la part de la chambre, refuser de remplir ses fonctions, tout autant qu'un juge qui refuserait déjuger, qu'un général qui refuserait de combattre.

La chambre a été essentiellement instituée pour approuver les lois bonnes, et pour repousser les mauvaises. En rejetant une loi indispensable et bonne, qu'elle sait bonne et indispensable, elle détruit donc par l'abus de son droit l'objet même pour lequel ce droit lui a été confié, et elle le détruit afin de détruire par contre-coup le droit constitutionnel de la royauté. Or, c'est l'absurde même; c'est là qu'on peut dire vraiment qu'il n'y a pas de droit contre le droit.

Il faut bien distinguer la forme légale dans laquelle un droit est exercé, de la moralité même qui le constitue. Il y a une foule de choses qu'on pourrait faire sous une forme légale, et que cependant on n'a pas moralement le droit de faire.

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Ainsi — et remarquez que, pour donner à mon raisonnement plus de force, je prends pour exemple l'omnipotence la plus légalement absolue que présente aujourd'hui notre ordre social — l'exemple du jury :

Qu'un jury absolve un coupable, et qu'il condamne un innocent à mort, le verdict est tout aussi légal que s'il eût acquitté l'innocent et condamné le coupable.

Eh bien ! Déduirez-vous de ce fait légal cette maxime-ci : — que le jury a le droit de condamner l'innocent et d'absoudre le coupable?

Non, sans doute; cette maxime atroce, anti-sociale, impie, ne sera soutenue par personne. Jamais un jury, ni qui que ce soit, au ciel ou sur la terre, n'a le droit de condamner un innocent. — Par erreur, par abus, par méchanceté peut-être, un jury peut abuser de son droit et condamner l'innocent qu'il devrait acquitter; — mais ce n'est pas là son droit, ce n'est pas là le droit que la loi lui a décerné. — Et si, en condamnant l'innocent, il le savait réellement innocent, son verdict a beau être légal, il n'en a pas moins violé, de la façon la plus épouvantable, le fondement le plus sacré de tous les droits, et de son droit tout le premier.

Je suis fâché, pour résumer ma pensée, d'être obligé d'employer une phrase où la redondance des mots frappera désagréablement quelques lecteurs ; mais je les prie de me le pardonner. La langue française ne me fournit rien de mieux, et je veux être clair aux dépens même de l'élégance du style.

Voici donc la maxime fondamentale de tout droit humain et social.

C'est que nul être moral, doué de libre arbitre et de [p.56] conscience, n'a le droit de faire de son droit un usage essentiellement contraire à la nature de ce droit, et destructeur du droit d'autrui.

Le vote de la chambre qui rejeterait une loi bonne, qu'elle saurait bonne, afin d'ôter au roi l'usage des droits que lui assure la charte, est donc aussi illégitime que le vote d'un jury qui condamnerait un innocent qu'il saurait innocent. — Le député et le juré sont également parjures, quoique différemment criminels.

Qu'importe cette démonstration? m'a-t-on répondu. Qu'importe qu'on conteste théoriquement à la chambre élective le droit du refus de concours? Ne l'a-t-elle pas en fait ? Pouvez-vous l'empêcher d'en user ? Ne lui avez-vous pas reconnu la liberté de la tribune, de la parole, du vote? Comment ferez-vous pour l'empêcher de s'en servir ainsi qu'elle le voudra?

Cette objection m'inspire une grande pitié d'esprit pour ceux qui la font. A ce compte, la puissance serait la mesure de la justice; et parce qu'on aurait la faculté d'abuser de ses droits, on pourrait le faire sans remords? Toute infraction morale qu'il serait impossible d'empêcher et de punir serait par cela seul légitime? De ce que des hommes, délégués par leurs concitoyens pour agir législativement dans les limites de la charte, peuvent franchir ces limites sans que nous puissions les arrêter; il s'ensuit qu'ils en ont le droit? De ce qu'ils peuvent parler et voter librement, il s'ensuit qu'il n'y a plus ni limite morale, ni limite constitutionnelle à leur parole et à leur vote? Et par cela seul que l'abus qu'ils auraient fait de leur droit serait irrépressible, nous devrions le tenir pour constitutionnel?

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Eh ! Mon Dieu, je reconnais que les quatre cent cinquante-neuf députés de la chambre peuvent physiquement mettre une boule noire contre le budjet. Ils ont une boule blanche et une boule noire à leur disposition : personne ne leur tient la main ; ils peuvent faire de leur vote ce qu'ils veulent. S'il leur plaisait de voter l'abolition de la monarchie, l'abolition de la propriété, l'abolition du droit paternel, ils le peuvent également. Mais en vérité, ce n'est pas de cela que nous nous occupons. Ce n'est pas le fait matériel que nous discutons, c'est le fait moral, c'est le droit ; et nous croyons avoir nettement établi que la chambre des députés n'a pas celui d'abuser de ses fonctions, d'envahir tous les pouvoirs, d'usurper la totalité du pouvoir législatif dont la charte ne lui attribue que le tiers, et le pouvoir exécutif que la charte lui interdit en totalité, d'arrêter la marche du gouvernement, de rendre l'administration impossible, pour obliger la couronne à renoncer aux droits les plus sacrés qu'elle tient de la charte. Voilà la haute question de morale politique qui s'agite entre nous, et il ne faut pas la faire dégénérer en faux-fuyants et en arguties déclamatoires.

Mais la démonstration de cette vérité n'est pas aussi vaine qu'on le dit; car le moyen de la faire pénétrer dans la chambre, c'est de la répandre dans le pays, c'est de convaincre la conscience des députés eux-mêmes par le raisonnement; et quand ils seront une fois persuadés des limites de leur prérogative, on n'aura plus à craindre qu'ils méconnaissent celle de la couronne. Suis-je donc si coupable de compter sur leur patriotisme et leur loyauté?

Mais vous, au contraire, qui me combattez — et Dieu sait si vous êtes aussi désintéressés que moi dans cette [p.58] question! — ne sentez-vous pas qu'en essayant de persuader à la chambre élective qu'elle est prépondérante, qu'elle a le droit de refuser son concours pour imposer sa volonté à la couronne, vous la poussez, vous l'excitez dans cette carrière funeste? — Qu'en prêchant l'omnipotence élective, vous en faites naître, vous en réchauffez l'ambition dans l'esprit de tous les concurrents parlementaires qui visent au pouvoir, et qui se serviront de ce moyen pour y parvenir, en flattant sans cesse l'opinion démocratique? — Ne voyez-vous pas que celle-ci ne demande pas mieux que de rabaisser la royauté par vos mains, afin de la trouver plus à sa portée quand le moment suprême sera venu.