Note L.


Numérisation et relecture des OCR réalisées par la Bibliothèque Cujas

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NOTE L.

Si l'on disait que cet appel à la conciliation est étrange dans ma bouche, je citerai pour toute réponse un passage d'un discours que je prononçai le 11 janvier 1836, avant la dissolution du ministère du 14 octobre, et quand je le savais déjà travaillé par les fatales dissensions qui, à la grande joie de ceux qui n'aiment point les ministères forts, ont bientôt amené sa maladie et sa mort. Voici comme je m'exprimai à cette époque :

« Avant de descendre de cette tribune, permettez-moi une dernière réflexion. On parle beaucoup depuis un an de réconciliation générale et de fusion des partis ; et pour premier acte de cette réconciliation, pour commencement de cette fusion, on ne songe qu'à diviser des hommes qui depuis dix ans combattent ensemble, soit pour la liberté, soit pour l'ordre, des hommes qui, après s'être unis contre le dernier gouvernement, se sont unis encore pour défendre et maintenir le gouvernement actuel.

» Pour apprécier sainement la révolution de juillet, il ne faut pas oublier pourtant qu'elle a été faite et par ceux qui avaient toujours repoussé la Restauration, comme antipathique aux sentiments et aux intérêts nationaux, et par ceux qui l'avaient un moment acceptée sous la condition qu'elle accepterait elle-même les grands résultats de la révolution, et qu'elle donnerait à la France le gouvernement représentatif vrai. Il ne faut pas oublier, en un mot, qu'au 27 juillet 1830, deux éléments ont concouru à la victoire, l'un plus révolutionnaire, l'autre plus libéral. Que veut-on donc, quand, fouillant le passé, on va chercher dans l'origine et les antécédents de chacun, de prétendus motifs de désunion ? Que veut-on quand, s'acharnant obstinément sur ces divergences plutôt apparentes que réelles, on en tire la conséquence qu'une scission doit s'opérer et que dans l'intérêt sans doute de la réconciliation générale, il faut que la majorité se fractionne ? S'il est vrai que dans la majorité, les uns représentent plus particulièrement la portion de la France qui ne voulait à aucun-prix des Bourbons de la branche aînée, les autres la portion qui les eût acceptés s'ils avaient voulu gouverner loyalement et constitutionnellement, c'est une preuve que la majorité est fidèle à son origine, puisqu'elle contient, dans ce qu'ils ont de sage et de modéré, les deux éléments qui, après-avoir concouru à fonder le gouvernement actuel, doivent aussi concourir à le maintenir. (Très-bien! Très-bien!) Quand ils se donnent tant de [p.108] peine pour séparer ces deux éléments, nos adversaires, au reste, savent bien ce qu'ils font ; mais c'est à nous à rendre vaines toutes leurs tentatives, c'est à nous à répondre à leurs prophéties de désunion par une union plus intime, plus inébranlable que jamais. »