Note A.


Numérisation et relecture des OCR réalisées par la Bibliothèque Cujas

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NOTE A.

La Charte de 1830, dans ses numéros des 30 juin, 2 juillet et 6 juillet, contient trois articles dont la violence est telle que le journal de M. Fon¬frède, le Courrier de Bordeaux, a cru lui-même devoir, bien qu'avec un peu d'ironie, en blâmer plusieurs passages et plusieurs expressions. Le premier de ces articles commence ainsi :

« Un parti qui s'est signalé depuis un an par sa violence essaie encore de passionner le public pour ses intérêts ; privé de la tribune, où ses nouvelles attaques eussent été mal accueillies, il se réfugie dans la presse, où ses écrits font la joie de l'opposition qui les reproduit avec enthousiasme. Ce parti veut absolument qu'on s'occupe de lui, n'importe de quelle façon. Un silence prudent eût jeté le voile sur ses erreurs ; mais il ne veut pas se faire oublier. Il gagne tellement à être connu ! sa conduite a été si honorable dans le cours de cette session ! il a rendu au pays des services si méritoires ! Tant de patriotisme, en effet, ne pouvait rester dans l'ombre et dans l'oubli !

» Il y a des partis qui rougissent de leurs excès, et qui les dissimulent; celui dont nous parlons se fait gloire des siens. Il faut voir comment il les raconte, il faut voir l'excellente opinion qu'il a de lui-même, les jugements qu'il porte sur ses œuvres, l'intrépidité avec laquelle il aborde les sujets les plus délicats pour sa conscience, et où son honneur est le plus visiblement engagé. La trahison, l'intrigue, les calomnies contre les hommes publics, la division semée entre les pouvoirs de l'État, le mépris des intérêts les plus sacrés du pays, voilà des actes qui perdraient de réputation des hommes vulgaires : mais il est des gens qui peuvent commettre impunément toutes ces noirceurs ; ils ont des intentions si [p.76] louables ! la pureté de leur zèle tranquillise leur conscience, et les met eu repos du côté de l'opinion. »

Suivent plusieurs colonnes où les mots de trahison, intrigue, scandale, caractère haineux et acariâtre, présomption stérile, coterie ridicule née pour troubler le pays et pour satisfaire ses mauvaises passions à ses dépens, ténacité fiévreuse, duplicité jointe à la violence, folie ridicule et coupable, libertinage politique poussé à la dernière extrémité, etc., etc., reviennent à chaque instant avec une inépuisable variété de combinaisons et de formes. Et à qui s'adressent ces inconcevables injures? Non pas à un homme seulement, mais, comme le dit la première ligne de l'article, « à un parti. » On sait quel est ce parti, de qui il se compose, et ce qu'il a fait depuis huit ans.

Il est bon de remarquer que la Charte de 1830 était un journal semi-officiel, rédigé dans le cabinet du ministre de l'intérieur, sous ses yeux et par ses ordres. C'est donc le ministre de l'intérieur que l'on peut, sans injustice, regarder comme moralement responsable de toutes ces violences.

D'autres articles, rédigés également dans le cabinet du ministre, et dans le même style, ont, en même temps, été envoyés à tous les journaux subventionnés de département avec ordre exprès de les insérer. J'espère un jour pouvoir révéler à ce sujet des particularités curieuses, et qui montreront combien le ministère de 1857 a, dans ce genre, laissé loin derrière lui les plus mauvais ministères de la restauration.